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L'Oeil électrique #17 | Musique / Gunter Muller

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Par Wilfried Jaillard.
Photos : Wilfried Jaillard.

L'expérimentation sonore et l'improvisation sont prédominantes dans la démarche de Günter Müller. Ce quadragénaire Allemand a trouvé ses marques au gré de multiples collaborations avec des musiciens aventureux (Paul Lovens, Jim O'Rourke, Otomo Yoshihide, trois cités parmi plus d'une centaine) après avoir désossé sa batterie, qu'il incorpore à un dispositif étonnant afin de se vouer à la recherche électroacoustique. Depuis sa Suisse d'adoption, il développe une musique contemplative et abstraite, parfois difficile pour des oreilles non "formées" mais source de plaisirs pour peu que l'on accepte de s'y abandonner.

Quelle a été ta formation musicale ?
Je suis autodidacte. Quand j'étais adolescent, j'écoutais beaucoup de musique pop : Soft Machine, Hendrix, Van Der Graaf Generator, Frank Zappa... Et je prenais souvent deux règles pour battre les rythmes sur ma chaise. J'ai fini par acheter ma première batterie, une occasion en très mauvais état mais qui ne coûtait que 150 Francs suisses (environ 650 FRF). Au début, j'essayais d'accompagner la musique des disques, puis j'ai fait mes premiers pas dans une groupe de jazz-rock. J'ai débuté dans la musique improvisée à l'âge de 20 ans.

Tu as ensuite fait évoluer ton instrument. Comment as-tu procédé ?
En 1981, je travaillais avec deux saxophonistes bruyants dans une formule très libre. Je jouais de la batterie et de différents types de percussions, que je n'arrivais pas à entendre car les saxophonistes jouaient vraiment très fort ! Alors j'ai acheté un micro contact pour les amplifier, puis je l'ai posé partout sur ma batterie : sur la peau, les cymbales, les pieds de cymbales… Et j'ai commencé à expérimenter de plus en plus avec. Peu après, j'avais deux micros contact (micros appliqués directement sur la source sonore) pour les pieds de cymbales et deux pour mes baguettes, reliés à deux pédales de volume et à quelques effets. J'avais aussi des baguettes dans lesquelles j'avais installé des micros, puis j'ai joué avec deux micros en guise de baguettes. J'ai peu à peu réduit mon système. Maintenant j'utilise deux bonnets de casques audio que j'ai transformés en micros, deux pédales de volume, deux delays, deux équaliseurs et deux lecteurs mini-disques. Pour ce qui est de la batterie ou des percussions, j'utilise parfois une caisse claire, un tom large et une cymbale, parfois seulement un petit tambour japonais et deux petits plats de métal. Je me sers de ces sons acoustiques comme sources sonores que je module ensuite par l'électronique. Par exemple, je joue la cymbale au casque en variant la distance entre les bonnets et la cymbale. J'utilise le casque comme une loupe sonore. Ça me permet de créer des boucles avec mes appareils de delay pour aboutir sur des séquences de 8 secondes dont je fais des collages sonores. D'autre part, je lance par mini-disque des boucles que j'ai faites à la maison sur mon ordinateur, et je les module en situation live.

Comment as-tu découvert la musique électroacoustique ?
J'ai commencé à en jouer par hasard. J'ai vite réalisé que l'électronique m'aidait à trouver de nouveaux sons ; c'est quelque chose qui m'a toujours fasciné, je suis dans une recherche permanente de sons inédits. Cette démarche me permet de faire évoluer ma musique et mon instrument. Et elle m'a forcé à m'orienter, à trouver et à établir mon propre langage. J'ai toujours été intéressé par les musiciens qui avaient une approche semblable de la musique. C'est pour cela qu'en 1985, Andres Bosshard (magnétophone, ordinateur), Jacques Widmer (batterie acoustique) et moi avons fondé le groupe Nachtluft. Le groupe n'a jamais joué sur une scène mais dans des endroits particuliers : dans une carrière, devant le barrage d'un lac artificiel, dans un cloître, sous un pont de chemin de fer… Le but était d'appréhender les conditions particulières et l'acoustique de ces architectures à travers notre musique, en les utilisant comme réflecteurs de son. C'est également à cette période que j'ai découvert des compositeurs comme Pierre Henry, Morton Feldmann et Luc Ferrari. Mais la musique électroacoustique est pour moi plus intéressante quand elle est improvisée. Je suis très heureux de voir aujourd'hui autant de bons improvisateurs en musique électroacoustique ou électronique. Souvent, ces musiciens s'intéressent plus au son qu'à la virtuosité que l'on trouve dans la musique improvisée "traditionnelle".

Quelles ont été les premières réactions vis à vis de ton travail ?
Au début, j'étais souvent incompris Quelqu'un a même écrit dans un article que ma musique était intéressante mais que je n'étais plus un batteur. Malgré tout, certains musiciens étaient intéressés par mon jeu.

Et maintenant ?
Ça a changé, on connaît mon travail et mon instrument "bizarre". On me présente souvent comme un pionnier - ce n'est pas très important pour moi, mais définitivement plus agréable que d'être dans la peau d'un musicien incompris - et comme un artiste qui trace sa voie avec assiduité.

N'as-tu jamais regretté de ne pas avoir pris de cours de musique ?
Non ! D'ailleurs, pendant mes études à l'Ecole des Beaux Arts, j'ai constaté que lorsque l'éducation technique progresse, l'expression et l'individualité régressent. Ma musique a toujours été pour moi un territoire de liberté, d'exploration personnelle. Et je suis sûr que c'est de cette manière que j'ai pu trouver mon propre langage. Je suis plutôt intéressé par les musiciens qui développent leur propre voie, qui ont des idées nouvelles, qui sont ouverts et qui écoutent bien.

Hormis la scène, tes disques semblent également basés sur l'improvisation.
Je pense qu'il est intéressant, pour faire un disque, de travailler à partir d'enregistrements live, qu'ils soient effectués en public ou en studio. Tu as dû remarquer que l'on appréhende la musique différemment sur disque et en concert, on a une perception très différente du temps. Pour mon travail d'édition, ma manière d'écouter et de jouer a évolué : j'essaye maintenant de comprendre la musique dans sa forme la plus globale tout en restant attentif aux détails et en jouant sur eux. Mais en général, les disques que je publie sont très peu retouchés.

A propos de cette notion de globalité du son, Poire_Z semble en être une bonne illustration...
Oui, ce projet présente bien l'idée d'improvisation collective : ce n'est pas la voix singulière,

l'individu qui joue le rôle principal, mais le son collectif. C'est une improvisation différente du free jazz ou de l'impro traditionnelle où les spécialités et l'expression de chaque musicien sur son instrument sont plus importantes, et qui est à mon sens une manière de faire un peu désuète et assez ennuyeuse.

Sur disque, la musique de Poire_Z me semble assez proche, dans le son, de certains artistes de la scène industrielle.
La couleur générale de notre musique, qui te semble être proche de la musique industrielle, vient de notre instrumentation. En particulier de Norbert Möslang et d'Andy Guhl (le duo Voice Crack), et de ce qu'ils nomment le "cracked everyday electronics". Ils génèrent une grande variété de "bruits" en utilisant des trucs comme des télécommandes, des radios, des flashs, plein d'objets courants. Utiliser ces sons comme matériaux est pour nous tous une démarche évidente.

Comment et pourquoi as-tu fondé le label For4Ears ?
C'était surtout une question d'indépendance artistique. Il y a 11 ans, il me manquait un support pour ma musique, et j'ai donc décidé de fonder un label pour diffuser mes projets et ceux des gens avec lesquels j'avais déjà joué. Sur For4Ears, les musiciens payent leurs productions eux-mêmes, tous les disques et droits leur appartiennent. Je demande juste une somme symbolique pour mon travail, et je prends aussi un petit pourcentage sur les profits des disques que je vends moi-même. Je m'occupe de la production générale, j'offre mon aide pour le mastering, les pochettes, etc. Je m'occupe aussi des contacts au niveau de la fabrication, de la distribution, de la presse et de la radio. For4Ears a déjà sorti quarante productions. Mais l'année dernière, j'ai réalisé que j'avais sorti trop de disques, c'était trop de travail pour moi. Maintenant, je sors au maximum quatre disques par an, toujours des musiciens avec lesquels j'ai collaboré.

J'ai cru comprendre, en lisant les pochettes de certains de tes disques, que tu as obtenu des aides financières du gouvernement. Tu peux m'en parler ?
En Suisse, nous avons la fondation Pro Helvetia, dépendante du gouvernement fédéral, et aussi une direction de la culture dans chaque canton. Ces institutions ont été créées pour subventionner la culture suisse, et Pro Helvetia pour subventionner la culture suisse sur la scène internationale en particulier. En tant qu'artiste, il faut rédiger un dossier comprenant toutes les informations et définissant un budget. Mais seule une partie de tous les dossiers est acceptée et subventionnée. Il faut de la patience et de la chance ! D'une manière générale, beaucoup de créations ne pourraient aboutir sans l'aide financière des gouvernements. Pour ce qui est de la Suisse, ça permet au pays d'être représenté à l'étranger pour autre chose que le chocolat, le fromage, les banques et les Alpes ! Par exemple, le label américain Atavistic Records publie une petite série de disques intitulée "Early Swiss Electronic Pioneers", avec des enregistrements déjà parus dans les années 80. Les efforts de ces institutions commencent à donner leurs fruits.

Malgré tout, les disques de musique électroacoustique restent difficilement trouvables dans les magasins en France
Cette scène ne fonctionne pas dans les circuits commerciaux établis. Il y a quelques magasins spécialisés pour la musique contemporaine, électronique et improvisée. Mais il faut souvent avoir recours à la vente par correspondance pour les trouver, ou se déplacer aux concerts et aux festivals. Pour la distribution de For4Ears, j'ai de très bons contacts en France, en Italie, aux USA et au Japon. Mais il y a quelques pays où seuls les très grands distributeurs sont présents, et ils ne sont pas intéressés par une musique non commerciale ; il existe également de très petits distributeurs qui ont peu accès aux magasins. Dans ces pays, la distribution de cette musique est souvent dépendante d'une seule personne.

Tu rencontres beaucoup de barrières ?
Au regard de ces vingt dernières années, je crois qu'il m'a fallu beaucoup de bonheur musical et beaucoup de volonté pour continuer sans faire trop de compromis. Mais pour être en mesure de faire la musique que je voulais, outre mon propre label, il me faut un autre travail pour gagner ma vie. Je suis professeur de dessin et de graphisme assisté par ordinateur, sur un poste à mi-temps. En dehors de mon souci d'indépendance, j'aime vivre dans des mondes assez divers même s'il me faut suivre un emploi du temps très rigoureux.

Contact :
Günter Müller
Steinechtweg 16
4452 Itingen
Suisse

Biographie et discographie :
http://home.datacomm.ch/g.mueller/mueller.htm
et http://www.for4ears.com (qui propose un extrait de chaque album en MP3)

Discographie sélective For4Ears :

Poire_Z : expérimentation éthérée et urbaine par Günter Müller, le duo suisse Voice Crack et le platiniste marseillais Erik M. Par ailleurs l'un des principaux projets de Günter Müller.
BTMZ - 11 ways to proceed : aventures contemporaines par le violoniste Hans Burgener, Günter Müller, Richard Teitelbaum (vétéran du sample et de la composition contemporaine) et le violoniste Carlos Zingaro, " père de la musique improvisée au Portugal".
Urs Leimgruber - Blue Log (10 Pieces for Saxophone) : Leimgruber triture son instrument sous tous les angles pour en tirer des sonorités étonnantes : expirations, aspirations, touches jouées de manière percussive contribuent à l'élaboration d'un univers très personnel.
Günter Müller & Taku Sugimoto - I'm Happy if You're Happy : Sugimoto dilate et rétrécit le tempo de ses mélodies, s'attarde sur certains accords pour en explorer la texture harmonique et dévoiler la sonorité organique de sa guitare électro-acoustique. Ce jeu particulier s'adapte parfaitement aux expérimentations de Müller (électronique, cymbales jouées à l'archet, etc.), ce qui permet aux deux musiciens de se livrer à un captivant jeu de question-réponse.

For4Ears est distribué en France par Orkhestra & Improjazz.

VPC : Metamkine, 50 passage des Ateliers, 38140 Rives
Tél. 04 76 65 27 73
metamkine@compuserve.com