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L'Oeil électrique #2 | Bande dessinée / Pierre la Police

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Par Morvandiau, Stéphane Corcoral.

Un héros qui fait semblant d'être en plastique au lieu de répondre au téléphone, un autre qui parle tout seul en mettant la main devant la bouche, un laboratoire secret de méchants hippocampes qui épilent les sourcils des gens… le petit monde de Pierre la Police est peuplé d'étranges individus vivant des aventures pour le moins inhabituelles. Inhabituel, l'auteur de ces folles escapades l'est tout autant. N'ayant jamais laissé publier une photo de lui, monsieur la Police est une sorte d'artiste total : il plaque son univers sur tous les supports qui lui passent sous la main. Plus connu comme dessinateur, mais aussi auteur et scénariste, il parvient en plus à recréer ce monde sur son site Internet, et même dans cette interview. Et pendant ce temps au Nicaragua…

Tu nous accordes cette interview par le biais d'Internet et la seule photo que je connaisse de toi est celle d'un improbable chanteur de tango argentin à moustaches. Pourquoi un tel souci de mystère autour de ta personne ?
Aucun souci de mystère ici, je ne donne pas dans le culte de la personnalité. Il y a bien trop de choses qui vont de soi, comme le fait qu'un artiste doive payer de son image en acceptant le statut de personne publique. En parlant de nous, les médias font leur travail. Je ne me sens pas à l'aise avec le fait de laisser paraître ma photo dans les journaux, je préfère rester en coulisses. On devrait respecter ça.
Il arrive que des journalistes m'appellent pour me demander quel disque ou quel film j'ai aimé dernièrement. C'est terriblement réducteur et trivial non ? Le public aime être transporté dans un domaine qui échappe à la réalité du monde quotidien, alors pourquoi vouloir plomber tout ça ? Pour montrer que les artistes sont des gens comme tout le monde ? Bien sûr qu'ils le sont, mais c'est hors-sujet. On ne devrait pas parler de ces choses-là. Ça peut aller très loin, comme la fameuse histoire du paparazzo nain qui s'était caché dans la cuvette des WC de Johnny Hallyday pour photographier son anus artificiel.

Ton " écriture automatique " de la bande dessinée, qui peut susciter rires aux éclats ou malaise profond, te vaut de compter de nombreux fans inconditionnels. D'autres te reprochent pourtant ton assemblage systématique d'images contrastées qui, au final, ne raconterait pas d'histoire. Qu'en penses-tu ?
À partir du moment où il y a une narration, il y a une histoire. Ce que je recherche, c'est le contraire du systématisme. Le systématisme dans la narration voudrait que le héros soit une personne responsable et juste. Dans mes histoires il arrive que le héros tue des petits chiens en cachette ou bien se coupe les ongles des pieds au lieu d'aider une personne en danger, on peut presque parler de non-histoire.
Qu'il s'agisse d'une histoire ou d'une non-histoire, c'est la même chose, au final le plus important c'est le plaisir qu'on prend à la lecture, là on ne peut pas faire l'unanimité. Ceux qui ne rentrent pas dedans trouvent toujours de bonnes raisons pour se justifier.

Dans le catalogue " The Gum " , on évoque un phénomène de saturation dans lequel tu puiserais ton inspiration. Peux-tu l'expliquer ?
La saturation dont je parle consiste à renoncer à tout contrôle conscient sur le processus créatif. Le meilleur exemple reste celui des dessins qu'on fait en parlant au téléphone. Bien sûr, on peut remplacer le téléphone par n'importe quoi.
Je l'ai fait à titre d'expérience, mais je ne me serais jamais permis de montrer ou de publier les dessins qui en sont sortis, bien trop expressionnistes. Certains ont servi de base pour d'autres dessins plus posés, notamment ceux réalisés à l'époque de l'exposition " La Veste et le Pantalon ".
Aujourd'hui je ne travaille plus comme ça : l'important n'est plus ce qui se passe sur le papier mais ce qui se passe au téléphone.

Est-ce que tu dessines ce que tu vois dans tes rêves ?
Ça m'arrive, mais je le fais uniquement quand je suis dans un rêve, je me retrouve avec un crayon, un carnet et je demande au rêve de ne plus bouger, de façon à ce que je puisse le dessiner. C'est très difficile car les images des rêves ont toujours tendance à bouger, à se transformer. Avec un peu d'entraînement ça marche, n'importe qui peut y arriver, il faut bouger les yeux d'une façon spéciale. Quand le dessin de mon rêve est terminé, alors je peux rentrer dedans.

Y a-t-il aussi des éléments qui t'inspirent dans le quotidien ?
Les détergents industriels, certains styles de skateboard, les photos mettant en scène des images du monde ou des huîtres, les activités physiques exigeant un effort de concentration, les cartons d'emballage de matériel informatique.

As-tu un oncle Félicien ou un cousin Chris ?
Non, je ne les ai pas. Avec les progrès de la science je pourrais encore avoir de nouveaux oncles aujourd'hui, l'une de mes grand-mères est encore vivante. Mais je ne pense pas qu'elle accepterait, même en échange d'une grosse somme d'argent. Et puis, je ne vois pas qui aurait un intérêt là-dedans, franchement.

Le surréalisme, le dadaïsme, les Monty Python ou Pif Gadget ?
Pif le chien c'est déjà DADA. Quant au surréalisme, j'applaudis le geste de Dali d'envoyer une éprouvette de son sperme à son père avec un petit mot qui disait: " Maintenant nous sommes quittes. "

Ton travail n'a pas vraiment de rapport avec la bande dessinée qu'on trouve habituellement dans la presse grand public. Comment expliques-tu ce succès ?
Il existe un truc qui s'appelle la BD, des gens arrivent et se disent: " Ouais, je vais faire de la BD ". Et c'est parti, on se lance dans une reconstitution historique ou dans un pastiche, un polar, un western, whatever. C'est très bien tout ça, mais il existe une autre option que trop peu de gens choisissent, celle de n'entrer dans aucun de ces petits tiroirs que sont les genres.
Ensuite, on peut aller plus loin et s'efforcer de ne pas dessiner ou de ne pas raconter des histoires comme on nous a toujours appris à le faire. L'acte de chercher à échapper à ce que nos aînés ont mis en place suffit déjà à provoquer une nouvelle écriture.
Le fait est que nous manquons cruellement de liberté, c'est comme si notre marge d'action avait été calibrée par ceux qui sont passés avant nous. Il suffit de regarder les dessinateurs japonais pour se rendre compte à quel point leur imagination est débridée ; ils n'ont pas de limites. En France, la plupart des auteurs viennent se ranger dans des petits compartiments alors que rien ne les y oblige. Tout va dans le même sens, au propre comme au figuré. C'est pareil pour le cinéma, le commerce, les échanges de fluides corporels, tout.

Justement, ce n'est pas toujours en sortant de ces " petits compartiments " qu'on arrive à atteindre des médias grand public. Comment expliques-tu donc que ton travail passe cette " frontière " de la presse grand public ? Parce que les gens y trouvent de la fraîcheur ?
Oui sans doute. Cela dit, même si je dessine dans la presse grand public, les albums que j'ai pu sortir jusqu'à présent ne se vendent pas à des centaines de milliers d'exemplaires. Je ne pense pas être " tous publics " et c'est mieux comme ça. Un ami libraire me racontait l'autre jour avoir eu la visite de deux de mes anciens collègues d'université. Ils voulaient voir à quoi ressemblait mon travail. Ils sont restés très perplexes et ont fini par conclure qu'il devait y avoir erreur sur la personne et que l'auteur de ces livres n'était pas la même personne que celle qu'ils connaissaient à l'université. J'ai trouvé ça amusant. J'aurais aimé me trouver là pour leur dire " Maintenant nous sommes quittes " .

Cette présence dans ce type de presse a-t-elle par ailleurs permis à un plus large public d'accéder à tes albums ?
Bien sûr. Tout cela, c'est une question de diffusion. C'est comme la photo du type sur les paquets de riz " Uncle Bens " , il est connu dans le monde entier. Cela fait des décennies que l'on voit le même type sur les paquets de riz et pourtant ce n'est pas le même type, ils le changent régulièrement, ils en prennent un qui ressemble au modèle de base, ils font des castings. Chaque fois qu'on bouffe du riz on mange un peu du bonhomme, à ce train là ils sont obligés de le changer tous les 6 ou 7 ans, c'est pour ça que je ne laisse pas traîner ma photo partout.

Une rumeur affirme d'ailleurs que tu arrêterais la bande dessinée pour te consacrer à l'écriture de scénarios. Es-tu tenté par d'autres domaines artistiques que la bande dessinée ?
L'écriture en est un, je me suis mis aussi à la programmation HTML pour faire mon site web " Quality Intruder ". Je ne pense pas être un bon dessinateur, ni même un bon écrivain et c'est beaucoup mieux comme ça car je ne veux pas me spécialiser dans un domaine artistique particulier.
Ma seule aptitude est de concevoir et d'organiser. Après, cela peut s'exprimer sur n'importe quel support : télé, cinéma, industrie alimentaire, et même sur du gaz. Je suis tous terrains.

Le fait que tu travailles avec Jean Le Cointre signifie-t-il que l'écriture t'attire plus que le dessin ?
C'est surtout une volonté de ne pas devenir dessinateur. Il existe tellement d'autres supports plus ouverts sur l'extérieur. L'exercice de la BD est quelque chose de très confiné. J'ai du mal à rester assis.
Ce que nous faisons avec Jean Le Cointre se situe à mi-chemin entre la BD et l'image cinéma. C'est pour moi une étape intermédiaire entre le fait de dessiner des histoires et celui de les filmer.
Aujourd'hui les frontières entre les différents médias ont tendance à devenir de plus en plus transparentes. On peut être plein de choses à la fois, sans pour autant se disperser. J'aimerais beaucoup devenir chanteur de variétés, passer chez Foucault et chanter des bluettes en me retournant les paupières.

Dans une interview, tu disais t'efforcer de " trouver une formule et des thèmes différents " pour chacun de tes livres. Peut-on véritablement parler d'une telle formule ou d'un thème pour ta dernière rubrique, Véridique, dans les Inrockuptibles ?
Complètement. Avant de me lancer dans cette chronique je n'avais jamais traité de sujets liés au monde de l'actualité. Alors j'ai commencé à porter des cravates et à suivre les informations, d'abord en profondeur, les news mondiales jusque dans les plus petites dépêches. Et puis j'ai mis la pédale douce, juste un résumé de l'actualité quotidienne par courrier électronique que je lis en faisant autre chose. Et pendant ce temps, nos frères viennent saigner dans nos assiettes, tous les jours à l'heure du journal télévisé. Nous sommes des petits poulets cannibales, nourris en bataille et sacrifiés sur l'autel du consensus social, avec nos après-ski encore aux pieds.

Quelle est ta réaction quand tu vois le travail de Jampur Fraize ?
Je fléchis ma jambe gauche sur laquelle je fais basculer tout le poids de mon corps pendant que ma jambe droite s'étend devant moi à l'horizontale et que mes bras ondulent au-dessus de ma tête.

As-tu pour objectif de " faire passer des choses " dans ton travail ? Ou veux-tu simplement, comme tu le dis, " transporter le public dans un domaine qui échappe à la réalité du monde quotidien " ?
Je n'ai pas de message sensé à faire passer. Je prends des choses qui existent à peine et je les habille de façon à les rendre présentables. Je pense que les gens qui me lisent interprètent tous différemment ce qu'ils voient. Certains y trouvent des messages subliminaux, comme ce prêtre qui passait des disques de hard-rock à l'envers pour y découvrir des messages satanistes. Les seules images subliminales que j'aie pu passer étaient des tranches de pain d'épice agrandies au microscope électronique. C'est le seul message que j'aie à faire passer aujourd'hui, j'en suis profondément désolé.

Finalement, échangerais-tu ton petit sac contenant les ossements de Youri Gagarine contre un ongle incarné d'Igor et Grishka Bogdanoff ?
Si c'est un de ces modèles fabriqués illégalement en Turquie, je ne gagne pas au change. Mais puisqu'on parle des frères Bogdanoff, j'ai appris récemment la raison de leur disparition du petit écran. Ils se seraient retirés dans un monastère trappiste du sud de la France après avoir été témoins d'une apparition collective de la Sainte Vierge lors d'un meeting aérien. C'est leur médecin qui me l'a dit - on a le même - il a essayé de les persuader qu'ils avaient vu des phosphènes mais ils n'ont pas voulu le croire.



Tous les albums de Pierre la Police sont présentés sur son site Internet : http://www.club-internet.fr/pierre-la-police Vous y serez briefé sur la dynamique cognitive d'entreprise et le management des métamodèles commerciaux.
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Jean Le Cointre
Jean Le Cointre est le principal maître d'œuvre de La Balançoire de plasma, série d'albums d'illustrations complètement flippantes et dérangées, sur des scénarios de Pierre la Police. A l'heure où nous mettons sous presse, nous ne disposons que de quelques extraits du quatrième volet qui sort ces jours-ci, mais comme vous pouvez le constater, Le Cointre semble y atteindre des sommets. Voilà qui nous met l'eau à la bouche… Malheureusement, ces collaborations constituent son seul travail connu. Alors, en espérant aussi de prochaines escapades en solitaire…