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L'Oeil électrique #2 | Société / La Bourse, c’est ma passion

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Par Guillaume Lagree, Stéphane Corcoral.

Les gens sont drôles. Ils se plaignent de la mondialisation, de Maastrich, du " tout monétaire ", des patrons et du chômage, et en même temps ils vont acheter des actions France Télécom, prennent des SICAV, ou investissent dans un plan d'assurance-vie. Et sous la pression des incitations des banques/assurances, et de l'importance grandissante de la section " Bourse " dans les journaux, sur les radios ou les télés, ils sont de plus en plus nombreux. Investir en Bourse (et quand on prend une assurance-vie, on investit aussi en Bourse), c'est favoriser la montée du chômage et des inégalités. Les gérants des sociétés pensent avant toute chose aux actionnaires, qui pensent avant toute chose aux plus-values et à leurs dividendes. Leur objectif est donc la rentabilité, car ils veulent que leurs bonnes actions leur rapportent un maximum (ce qui est pour le moins logique).

Il se trouve qu'on est dans un système où les intérêts de ceux qui travaillent (faire moins d'heures pour un meilleur salaire, avoir beaucoup de congés payés) sont à l'opposé de ceux des propriétaires des sociétés, les actionnaires. Or, pour ce qui est des grandes entreprises, ce ne sont pas les mêmes personnes. Les actionnaires possèdent d'ailleurs souvent des " morceaux " de sociétés multiples (un " portefeuille d'actions "), et on ne peut pas vraiment dire qu'il y ait d'investissement affectif. Tant que les entreprises n'appartiennent pas à ceux qui les font vivre, pas la peine d'aller plus loin, d'échafauder des théories, et de " trouver une nouvelle voie ", il y aura exploitation, nécessairement. Et les entreprises licencieront, parce que c'est un des meilleurs moyens d'augmenter la rentabilité : un salaire, c'est cher. C'est le bon vieux principe marxiste : l'industrie obéit à la loi tendancielle de la baisse de la marge bénéficiaire (qui implique en gros qu'au bout d'un moment, il faut diminuer les dépenses). Mais à l'heure de la mondialisation, il est plus vrai que jamais, car il y a la pression du nombre d'employables. On rétorquera que le Bloc de l'Est s'est effondré, que le communisme ne peut pas fonctionner. C'est sans doute vrai. Mais tentons de ne pas oublier qu'à l'époque où il émergeait (Le Capital date de 1867), on était en pleine civilisation industrielle, et les individus était exploités de manière indécente par le système. Si on n'avait eu que le capitalisme, il est peu probable qu'on aurait aujourd'hui les congés payés et le treizième mois... contraires à la rentabilité. Et maintenant, on (qui est ce " on " d'ailleurs) tente de nous faire avaler la même couleuvre avariée. Les entreprises, et en particulier les entreprises françaises, font en 1997 des bénéfices records. Toutes les places financières de la planète se portent à merveille, malgré les problèmes actuels, qui ne sauraient durer : ne l'oublions pas, dans toute son histoire, malgré les krachs, la Bourse a toujours monté. Et 1997 ne fait pas exception : l'indice CAC 40 a augmenté de 23,4 %. On nous dit aussi qu'aux États-Unis, c'est la croissance, que le chômage y baisse, etc. On oublie malheureusement assez souvent de mentionner le prix de ce " redémarrage " de l'emploi : précarité, salaires dérisoires, et destruction de toute tentative de mouvement social. On se souvient des employés de ce journal remplacés au pied levé (par des salariés importés d'un autre état, moins exigeants et trop heureux de trouver un job) dès qu'ils se mirent en grève. Pour l'Europe, on nous donne aussi souvent l'exemple de la Grande Bretagne. Or, pour y avoir créé une entreprise, je peux dire qu'il est certain que la plus grande liberté de mouvement et les moindres charges y favorisent nombre d'initiatives. Mais j'y ai vu exactement le même phénomène : des chauffeurs de bus en grève pour qu'on respecte les règles de sécurité au niveau des heures passées au volant, prestement remplacés par des chômeurs du nord, pour un salaire inférieur. On pourra aussi évoquer l'embauche de jeunes de seize ans à 20 francs de l'heure. Une plus grande souplesse de fonctionnement des entreprises passe-t-elle nécessairement par la possibilité de licencier à la carte et par la suppression d'un salaire minimum décent ? Les personnes qui prennent ce type de système en exemple devraient un peu se demander les réactions que susciteraient une telle situation en France. Il est heureux que notre " peuple " conserve quelque part, au fond de son inconscient collectif, une mentalité finalement très sociale. Toutefois, à partir du moment où la séparation que nous évoquions existe, il y a conflit d'intérêts, et, le cul entre ses multiples chaises, le citoyen-actionnaire-employé joue souvent le jeu d'un système qu'il n'apprécie que modérément lorsqu'il y pense trop (peut-être tenons-nous là notre solution miracle : ne pas trop y penser…).
À l'heure actuelle, dans notre pays, favoriser ce système en y plaçant son argent, c'est à coup sûr fabriquer du chômage et de la précarité. La liberté d'entreprise et la séparation du capital et du travail, ce n'est pas la même chose. On peut très bien favoriser la liberté, qui est nécessaire à l'épanouissement des individus et de l'économie, tout en rejetant un système où on peut gagner sa vie uniquement en spéculant, ce qui, en soi, d'un point de vue " humain " est une aberration. Sortons les statistiques : 20% de la population mondiale qui contrôle 82,6% des richesses, l'équivalent de la dette du Tiers Monde qui se volatilise dans la nuit du krach de Wall Street en octobre 1987… Des milliards de dollars qui ne produisent que d'autres milliards sans impact sur l'économie réelle (production de biens et de services) : voilà qui est beau !
Malheureusement, en France, il semble que la capitalisation soit la tendance actuelle - et la destruction de la Sécurité Sociale ne pourrait qu'accélérer ce mouvement. Car pour leur part, les assureurs comptent sur la capitalisation et les placements (pas sur la répartition) pour financer les retraites, qui vont constituer un poste de dépense grandissant à l'avenir. Il s'agit à première vue de la meilleure solution, d'un point de vue " pratique ". Cependant, on l'a vu, les placements jouent toujours sur les profits des entreprises. Et pour être plus profitables, les dirigeants des entreprises, doivent améliorer leur chiffre d'affaires, ou diminuer leurs dépenses (et le plus souvent les deux à la fois). Car leur objectif numéro un, c'est la satisfaction de l'actionnaire. L'actionnaire, ce mec super sympa qui possède l'entreprise et emploie donc ses dirigeants.
Les profits, c'est bien, les répartir parmi ceux qui les ont générés, c'est mieux. Bizarrement, un État est un excellent exemple de structure où tous les revenus sont censés être répartis et où ils doivent servir à ses membres. Que cette répartition se fasse plus ou moins bien, c'est un fait (et une autre question), mais c'est déjà mieux qu'une répartition entre les membres (par le biais des salaires dans l'entreprise ou d'une éventuelle participation des employés aux bénéfices) et des éléments extérieurs qui ne participent pas à son fonctionnement. Il est tout de même bien malheureux de laisser des entreprises devenir plus puissantes que des états qui ont mis des siècles à devenir démocratiques… À moins de donner un fonctionnement démocratique à ces entreprises. Et aujourd'hui, pour ce qui est des grosses sociétés, on ne peut pas vraiment dire que ce soit le cas, justement à cause de cette séparation entre les propriétaires d'une société et ceux qui la font vivre.
Il existe des solutions simples : des systèmes coopératifs, autogérés. Les réussites des coopératives d'Italie Centrale (Émilie Romagne), de la tontine en Afrique Noire, des banques du développement au Bangladesh nous montrent la voie d'une économie réelle et non seulement formelle. Une économie où l'Homme est une fin, pas un moyen. Mais répétons-le, lorsqu'on " joue " en Bourse (super jeu !), on fabrique de fait de l'exploitation. Ce n'est pas seulement à l'état, mais à l'individu qu'incombe la responsabilité de ne pas cautionner ce système, en n'investissant pas dans des entreprises où les propriétaires ne sont pas ceux qui y travaillent.