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L'Oeil électrique #2 | Société / Marketing à l’hôpital

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Par Kate Fletcher.

Tout le monde est d'accord, médecins, hôpitaux et même les fabricants de lait en poudre : le lait maternel est de loin supérieur. Toutefois, sur toute la surface du globe, de plus en plus de femmes se tournent vers le biberon…

Commercialisation, dilution et 1,5 millions de morts
Dans les années 70, l'UNICEF et L'OMS (Organisation Mondiale pour la Santé), constatent que l'utilisation à grande échelle des substituts au lait maternel dans le monde entier entraîne des problèmes de santé pour les enfants ainsi qu'un alourdissement des dépenses pour les familles. C'est dans le Tiers Monde que ce problème se pose de manière plus sensible, dans la mesure où les faibles revenus des foyers et les problèmes de pureté de l'eau rendent l'équilibre économique et sanitaire plus fragile. Les mères ont tendance à trop diluer les poudres pour économiser, ce qui entraîne de graves problèmes de nutrition. Et surtout, l'argent dépensé en substituts le serait bien mieux sur une bonne alimentation pour la mère, qui serait bien moins onéreuse. Les deux organisations décident donc une action basée sur deux axes complémentaires : l'information et la réglementation. Il s'agit d'informer aussi bien les mères, que les familles, les agents de santé ou les pouvoirs publics sur les avantages de l'allaitement maternel (qui sont nombreux, avérés, et que personne, pas même les producteurs de substituts, ne conteste). Par ailleurs, il convient de réglementer la commercialisation desdits substituts. Aussi, en 1981, l'UNICEF et l'OMS publient un Code International de Commercialisation des Substituts du Lait Maternel, qui invite les états membres de l'ONU à légiférer sur le sujet, ce afin de réglementer les pratiques commerciales des industriels. Depuis lors, l'OMS et l'UNICEF n'ont cessé de réaffirmer leur soutien à l'allaitement maternel, avec en particulier la dernière résolution en date, du 25 mai 1996, qui " invite instamment les États Membres à veiller à ce que [les substituts] ne soient pas commercialisés ou utilisés d'une façon qui compromette l'allaitement maternel exclusif et prolongé […] et veiller à ce que les mesures appropriées soient prises pour encourager l'allaitement maternel ".

Violations du Code
En 1997, un rapport de l'IGBM (consortium d'organisations - dont la British Medical Association, et les bureaux européens de l'OMS et de l'UNICEF - ayant pour objectif d'évaluer l'état de l'allaitement dans quatre pays), Cracking the Code, affirme que les fabricants violent le code de l'OMS de manière systématique dans les quatre pays où l'étude s'est déroulée. Les accusations de ce rapport envers les fabricants incluent notamment la diffusion de tracts vantant les mérites des substituts par rapport au lait maternel et la distribution gratuite d'échantillons dans les maternités. Le problème est le suivant : les fabricants acceptent tous la supériorité de l'allaitement sur les substituts, et ils affirment tous respecter le Code de 1981. Nestlé nous a confirmé que " dans tous les pays où il n'y a pas de législation sur le sujet, Nestlé applique le Code de l'OMS/UNICEF. " Les industriels contestent tous ce rapport de l'IGBM. Un représentant de Neslé UK a déclaré à la BBC que sa société " n'avait pas à accepter les reproches de groupes auto-désignés ".
L'ensemble des industriels en Angleterre demande à un expert indépendant d'examiner ce rapport, d'étudier la façon dont il été préparé, et de faire des recommandations à la fois à ses auteurs et aux industriels. L'expert en question, James Rothman, est un spécialiste reconnu des études de marché. Un autre spécialiste, très éminent, le pédiatre français Jean Rey, membre du Comité Scientifique pour l'Alimentation de la Commission Européenne est cité. Ils rejettent et contredisent tous deux les résultats de l'étude en question. Cependant, depuis 1987 au moins, le professeur Rey participe à des livres sur la nutrition édités par différents fabricants de suppléments, ce qui ne témoigne pas de la plus grande indépendance. Quant aux commentaires de Monsieur Rothman sur la validité des procédures employées pour l'étude, on pourra aussi y opposer le point de vue du Professeur Andrew Tomkind, de l'Institute of Child Health, qui déclare que les résultats de l'étude sont " fiables et objectifs sur l'échelle du problème ". Mais surtout, l'UNICEF déclarait en réponse aux réactions de l'industrie : " Il est à la fois malheureux et malvenu que l'International Association of Infant Food Manufacturers (les fabricants d'aliments pour nourrissons) International Baby Food Action Network), dans ses activités régulières, sont clairement contestés dans ce rapport… [l'UNICEF] propose de renouveler son soutien à l'IFBAN pour ce qui est du contrôle du respect du Code International. " Au final, et c'est véritablement l'élément que chacun devrait garder à l'esprit, malgré ce qui disent les industriels, selon l'UNICEF, 1,5 millions d'enfants meurent chaque année parce qu'ils ne sont pas allaités. Aussi impartial qu'on veuille être, quelles raisons aurait-on de plus croire des sociétés motivées par le profit qu'un organisme à but humanitaire ? Surtout, quelle raison aurait l'UNICEF de lancer de telles affirmations sans raison ? Et comment croire que les industriels appliquent réellement le Code dans le monde, alors que dans notre pays même, celui-ci est allègrement violé tous les jours depuis des années.

L'hôpital français : un lieu de marketing
Encore une fois, tout le monde est d'accord : l'allaitement maternel est préférable. Mais la moitié des femmes n'allaitent pas (15% ne le peuvent pas et le reste ne le souhaite pas). Or, il existe en France, dans les hôpitaux et les maternités, ce qu'on appelle les " tours de laits " : À tour de rôle, les fabricants donnent échantillons et boîtes de lait aux hôpitaux. Et chaque mois (ou chaque trimestre), c'est le tour de telle ou telle marque d'être distribuée dans tel hôpital. Que les industriels s'arrangent entre eux (et avec les hôpitaux) pour se partager un marché est une chose, mais le problème ici, c'est bien la distribution gratuite de substituts au lait maternel. Car cette distribution organisée constitue une violation flagrante depuis 17 ans du Code de l'OMS, qui interdit toute distribution gratuite d'échantillons (il convient d'ailleurs de rappeler que la France est l'un des pays signataires de ce Code). De plus, ces distributions se font en milieu hospitalier, ce qui donne une caution médicale indéniable aux substituts : si on vous les donne dans un hôpital, c'est que c'est bon pour vous. Et puis si l'hôpital devient un lieu de sponsoring et de marketing, peut-être qu'un jour les repas seront fournis par Mac Donald, les boissons par Coca-Cola et les pyjamas par Nike.
Comment ne pas voir dans cette distribution un encouragement à la consommation de substituts ? Et si plus d'un tiers des mères ne souhaitent pas du tout allaiter, ne s'agit-il pas là d'un manque d'information flagrant ? Pourquoi, dès lors, la direction générale des hôpitaux laisse-t-elle ce type de pratique se dérouler, et pourquoi les hôpitaux acceptent-ils ces distributions ? Les industriels, qui s'expriment par le biais d'un syndicat (le Syndicat des aliments de l'enfance et de la diététique) nous affirment " être intervenus depuis plus de 20 ans pour obtenir une législation interdisant la distribution gratuite d'échantillons de préparations pour nourrissons. " La raison ? " Cela coûte très cher aux fabricants. " C'est probablement vrai, mais cela rapporte sans doute encore plus. Car se pose aussi la question de la durée. Si l'UNICEF préconise un allaitement exclusif au sein pendant au minimum quatre à six mois, la plupart des mères recourent aux substituts en complément dès le départ (sur conseil des pédiatres). Et même si elles allaitent, l'utilisation des substituts se fait de plus en plus tôt. Et le marché est énorme (il y a 750 000 naissances pan an en France). Toute forme de publicité étant interdite, l'hôpital est à l'heure actuelle le seul lieu où les industriels peuvent promouvoir leurs produits. Cependant, ceux-ci réaffirment sans cesse leur volonté de voir interdire cette promotion dans les hôpitaux. Alors pourquoi ne pas tout simplement arrêter ? On se contentera d'un laconique : " il n'est ni juridiquement ni pratiquement possible de mettre [l'interdiction] en œuvre ". Autre fait troublant : le 3 juin 1994, une loi concernant la commercialisation de ces produits était finalement votée. Elle interdit entre autres la distribution " à titre gratuit des échantillons de préparations pour nourrissons ainsi que […] toute autre pratique promotionnelle en faveur de la vente directe de ces préparations. " Toutefois, quatre ans plus tard, le décret d'application de cette loi est toujours attendu. L'APA (Action Pour l'Allaitement) émet l'idée que c'est la Direction Générale des Hôpitaux qui bloque ce décret, car elle rechigne à payer ces produits au tarif normal. En cette époque de rigueur budgétaire et de déficit de la Sécurité Sociale, cela priverait en effet les hôpitaux de revenus importants. De plus, la France est un pays producteur-exportateur de substituts, ce qui constitue une source de richesse et d'emploi. Et pour les différents gouvernements (qui subissent tous un lobbying intensif des industriels), la santé de l'économie passe avant la santé publique. Alors les choses traînent : quatre ans pour un décret d'application, c'est un peu long. L'IPA (Information Pour l'Allaitement) espère sa parution prochaine, mais a tout de même porté plainte auprès de la Communauté européenne à ce sujet. Car ce décret ne cesse de devoir paraître " prochainement ". En 1996, le gouvernement reconnaissait déjà que la situation n'était pas satisfaisante et promettait la parution prochaine du décret d'application. De toute façon, une directive de la Commission européenne interdit la cession à titre gratuit des substituts, alors pourquoi ne pas la respecter ? Les industriels peuvent claironner leur bonne volonté sur tous les toits, il y a dans leur attitude ce qu'on pourrait appeler une légère ambiguïté. Pour sa part, l'IPA (Information Pour l'Allaitement) résume la stratégie des industriels en quelques mots : " prétendre vouloir appliquer le Code, mais ne rien faire dans ce sens. "

Couper le lien industrie-institutions médicales
Quel que soit le cadre légal, il n'en demeure pas moins que la supériorité de l'allaitement est avérée (l'Académie Américaine de Pédiatrie l'a à nouveau confirmé en décembre, en recommandant un allaitement exclusif pendant six mois et l'allaitement au moins au cours des douze premiers mois). C'est donc bien l'information qui fait cruellement défaut. Car si tant de mères ne souhaitent pas allaiter, peut-on uniquement attribuer cette situation à une question de mode de vie ? Non, car en Suède par exemple, grâce à une bonne campagne d'information, la tendance a été inversée et le taux d'allaitement augmente. Encore une fois, si dans notre pays, des substituts sont distribués en maternité, on a grand mal à croire que cela ne donne pas une caution médicale à ces produits. Par ailleurs, sur le plan physiologique, si des substituts sont donnés en complément dès le départ, la stimulation des seins est réduite, ainsi que la production de lait maternel. Mais comment favoriser une information sur les avantages de l'allaitement lorsque, toujours selon l'IPA, des institutions à caractère scientifique et partiellement financées par l'État présentent les fabricants comme des sources d'information sur le sujet ? La première étape pour une amélioration de la situation est donc bien la mise en place de frontières nettes entre les industriels et les institutions médicales, qui devraient prendre leurs responsabilités un peu plus au sérieux. Car en dernier recours, c'est bien à eux que les consommateurs font confiance.

L'allaitement
Le lait maternel constitue l'aliment idéal. Il est adapté à l'enfant, car sa composition varie d'une mère à l'autre, d'un enfant à l'autre, et elle évolue avec la croissance du bébé. Il contient des anticorps qui préviennent nombres d'infections. L'UNICEF recommande un allaitement au sein exclusif pendant les quatre à six premiers mois. Pour la mère, l'allaitement permet l'espacement des naissances (question cruciale dans le Tiers Monde). Bien entendu, il y a aussi la question du lien entre la mère et son enfant, qui est difficile à évaluer, mais qui a sans aucun doute de l'importance sur le plan psychologique. Élément essentiel à ne pas oublier : le réflexe de recherche du mamelon et de succion est à son maximum pendant les deux premières heures qui suivent la naissance.