NOUVELLE / ET DIEU DANS TOUT çA? .

Nous ne sommes que peu de choses.
Voici un refrain que chacun d'entre-nous a dû entendre, le plus souvent dans la bouche de gens d'un certain âge, à propos du décès de je ne sais qui. Si je devais trouver un lieu commun au sujet de nos destinées, c'est bien celui-là que je choisirais.
Et pourtant si, bien au contraire du message que contiennent ces quelques mots, on s'amusait, juste un instant, une seconde de notre vie à ne plus nous prendre pour de la merde.
Oh, pas nous en tant qu'individus : je veux dire l'Être humain en en général si un instant nous admettions de renoncer à ce complexe d'infériorité qui nous fait, nous à l'image des dieux, et non l'inverse. Pourquoi ne pas un instant nous projeter, petits vermisseaux, comme égaux des dieux.

Iconoclaste ?
Et pourtant…
L'autre jour au cinéma, j'ai vu pour la première fois une nouvelle pub, assez réussie, vantant les mérites du Perrier de manière originale.
Plusieurs tableaux et posters accrochés au mur d'un bar ici un joueur de tennis, là une danseuse et au milieu, juste au milieu me semblait-il, deux tableaux qui restaient accrochés au mur : Edith piaf et juste à côté, Marcel Cerdan.
Deux éternités, immobiles.
Un instant, un éclair de Perrier, et c'est la folie : Edith se détache de son cadre, Marcel en fait de même grâce à un habile jeu de morphing, et tout le monde danse, chante, bref : la liberté retrouvée.
C'est très joli et servi par une chanson de la môme, alors évidemment ça marque.
Ca marque d'autant plus qu'après réflexion je me suis rappelé qu'ils bouffaient tous les deux les pissenlits par la racine depuis un moment, et qu'ils n'avaient évidemment jamais tourné une pub pour Perrier (tant pis pour les droits d'auteur).
Le problème c'est que, merde, on y croyait, on s'y croyait. C'était comme s'ils avaient été là, devant nous.

Je voudrais rapprocher ceci d'une deuxième expérience passée qui pouvait donner lieu à réflexion.
On s'est tous marrés devant Forrest Gump et Tom Hanks qui serre la main de Kennedy, et nous nous sommes tous dit : " on dirait que c'est vrai ".

Eh oui !
Dans quelques années, à gros coups de morphing on fera jouer des acteurs factices à pas cher le cachet, puis on leur collera dessus la tête de grands acteurs décédés.
Gary Cooper dans la Guerre des étoiles épisode 12, Marilyn dans un X virtuel dont vous êtes le héros et autres fantaisies gracieuses du même ordre.
Et puis, quoi de plus intéressant que de retrouver sa mamie décédée depuis 12 ans qui tend ses bras vers vous en vous disant : c'est toi que je préférais, ou encore de casser la gueule à toutes les raclures que l'histoire a portées. Le tout pour 1000 Yens, 14 Dollars ou 23 Euros, payable par carte bancaire chez le fournisseur d'accès réseaux du coin de la rue…
Évidemment, pour que l'illusion soit parfaite, le jeu encore plus interactif et donc attractif, encore faudra-t-il avoir face à soi un Avatar (car c'est bien le nom qu'il faut lui donner) qui ait vraiment une personnalité.

Il n'y a qu'à demander…
En 1970 un programme Autopsycho, du nom d'Eliza, apparaissait et marquait le début de la course à la synthèse de la personnalité. C'était un programme très simple qui vous posait des questions du style :
- Vous allez bien aujourd'hui ?
- Bah, non ça va pas.
- Ah ! Pourquoi n'allez-vous pas ? etc.

Tout a bien changé
Malraux a dit un jour que le XXIème siècle serait spirituel ou bien ne serait pas. Si seulement il avait eu idée du type de spiritualité qui nous attend.
Eh oui, quand on demande à notre cher prix Nobel éclairé Pierre-Gilles de Gènes quelles sciences vont le plus progresser dans le prochain siècle, il répond (avec perspicacité) : les sciences humaines.
Parmi celles-ci, nous pouvons assurément compter sur des progrès très nets dans la compréhension de la personnalité et du fonctionnement du comportement humain.
Or, pour l'être humain, la compréhension est souvent synonyme de reproduction. Et quoi de plus approprié pour ce faire que les futures méga-machines (réseaux neuronaux et autres) du XXIème siècle ?
L'illusion pourra être parfaite. Non seulement mamie sera là, mais en plus elle parlera, pleurera et vous proposera un chocolat (virtuel) qu'elle aura gardé pour vous. Non seulement Marilyn pourra vous souhaiter votre anniversaire mais en plus, elle saura faire la moue quand vous lui demanderez une pipe après le gâteau.
Bref le jouet, spirituel (sic) su XXIème siècle saura concilier la tête et les jambes (virtuelles).
Évidemment, tout cela nous fait sourire. Pourtant, ne nous y trompons pas : ces jouets sont déjà pré-existants ; ils attendent peut-être simplement dans les couloirs de la recherche.
De jeux au départ, ceux-ci s'affineront, jusqu'à devenir de plus en plus réalistes. Les marchands envahiront alors le temple, le temple de nos illusions, de nos fantasmes les plus fous.
A bien y réfléchir, nous nous écrierons à nouveau : mais merde ! C'était tellement réel.

L'être humain dans son incessante course à la connaissance se sera alors donné l'illusion de savoir ressusciter les morts. A l'image des dieux…
Ca fout les boules, mais c'est juste pour rire, non ? …