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L'Oeil électrique #21 | Musique / Fly Pan Am

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Par Raphaël Digard.

Tout droit sorti de l'écurie Constellation (label Montréalais qui a entres autres révélé Do Make Say Think et God Speed You Black Emperor), Fly Pan Am se fond à merveille dans l'esprit du label. Ce quatuor joue en effet une musique instrumentale et répétitive, résolument rock, mais qui lorgne largement vers l'expérimental, notamment par l'utilisation de sons trafiqués sur bandes magnétiques. Là-dessus se greffent deux guitares tour à tour claires et bruitistes et une rythmique doucement martelante. Le groupe a sorti à ce jour un album éponyme en 1999 et un EP en 2000 (Sédatif en fréquences et sillons). Deux disques à écouter seul et confortablement installé dans son canapé. Les morceaux s'étirent en longueur et prennent leur temps (entre 6 et 18 minutes). Le temps nécessaire pour poser des climats en tout genre, aériens, dissonants, hypnotiques, contrastés. Difficile de faire des ponts musicaux, tant le groupe a bien digéré ses influences et s'évertue à brouiller les pistes. Tentons quand même quelques passerelles : on pense tour à tour à Can, à This Heat et à leurs expérimentations sonores, ou encore aux hollandais de Kleg et leurs structures minimales. On pourrait rajouter (dixit eux-mêmes) des influences comme Sonic Youth et Talking Heads, ainsi qu'une certaine "tradition pop française." Et comme on ne voyait pas trop ce que c'était, ni trop le rapport, on leur a posé directement la question après un concert en mai 2001 au Pez Ner (salle mythique désormais fermée à Villeurbanne-69). Un concert jubilatoire, en contraste avec leurs disques. La même noirceur, mais une interprétation beaucoup plus mordante et hargneuse, une ambiance hypnotique et groove, et des morceaux "noise-funky" interminables et jouissifs. Autour de la table : Roger (guitare) qui joue aussi dans Godspeed…, Jean-Sébastien (basse) qui est le seul à jouer debout, Jonathan (guitare), et Félix (batterie). Bonne ambiance et accent québécois en prime, forcément.

On a été surpris de lire dans un article que vous aviez des influences pop française ?
Roger : J'ai le sentiment que Jacques Dutronc est très évident dans notre musique au niveau rythmique.
Jean-Sébastien : On nous a déjà dit qu'il y avait des influences françaises dans ce qu'on faisait. Je n'en sais rien, mais on écoute tous de la pop française. Il n'y a pas que le chant et les paroles dans cette musique, il y aussi les arrangements, la forme de la chanson. Ce sont des choses qui nous tiennent à cœur, que ce soit Vian ou Gainsbourg par exemple.
R : On a une pièce qui est un dérivé de Et moi et moi et moi de Jacques Dutronc. C'est la même ligne de basse, mais jouée à l'envers.

C'est important pour vous de tourner en France ?
R : Pour moi ça l'est. A chaque jour de ma vie, je suis bombardé par tout ce qui est américain et anglais. C'est pas que je sois nationaliste, je pense que si les gens ne s'expriment pas dans leur propre langue, c'est un peu à cause de l'influence américaine qui veut que toute production consommable soit identifiée à la langue anglaise. On dit toujours que c'est plus facile de chanter en anglais. Je ne crois pas à ça, j'ai entendu des trucs dans plein de langues qui prouvaient qu'on pouvait chanter dans sa propre langue. JS : On se retrouve dans un monde anglophone, alors quand on se retrouve en France, c'est bien parce qu'on peut parler en français, se retrouver un peu chez nous. Nos ancêtres viennent d'ici.

Comment va être le prochain album, plus dans la lignée du concert de ce soir ?
JS : Ouais, clairement. La majorité des morceaux qu'on a joués ce soir se retrouvent sur le prochain album. Je crois qu'à un certain moment, on était trop sérieux. Les nouvelles pièces amènent un élément de fête, et sont moins austères. C'est quelque chose que j'aimerais bien continuer.

Pourtant, quand on vous voit arriver, ça fait groupe super sérieux. Pourquoi les deux guitaristes restent assis ?
JS : A ce compte-là, pourquoi est-ce qu'ils devraient être debout ? Si on faisait le contraire, on serait vraiment victime de ce qu'on ne veut pas faire, on serait victime du spectacle.
Jonathan : Musicalement, je pense qu'on arrive à prouver que ce n'est pas juste cérébral. Les sons qu'on balance en concert sont actionnés par des lecteurs cassette, qu'on actionne avec des bouchons de bière… et on ne fait pas de chorégraphies avec des stroboscopes. Quand j'étais plus jeune, c'est ce que j'attendais d'un concert. Si le gars ne bougeait pas, j'étais le premier à critiquer. R : Jouer debout, bouger : c'est comme ça qu'on est sensé faire de la musique rock. Il y a comme un genre d'entendement social qui veut que ce soit ça. Mais pourquoi c'est ça, et pourquoi tu le fais ? C'est un idéal que les gens ont.
J : Ce n'est pas pour autant que j'aime les climats froids cliniciens de certains groupes post-rock que j'ai vus, qui actionnent des machines. T'as l'impression qu'ils se masturbent sur la scène, ce n'est pas non plus ce que je veux faire. Mais pour l'instant, je me sens confortable de rester assis, et d'être moi-même. Et puis je vais être honnête, je joue mieux assis !

Vous disiez que sur le prochain album, il y aura plus de manipulations sonores. Qu'est-ce que ça représente pour vous, qu'est-ce que ça vous apporte ?
JS : Pour moi, les effets sonores se passent à chaque moment de la journée. Quand je me promène dehors, il y a de la musique bruitiste. C'est la plus belle improvisation, elle n'est aucunement pensée, c'est de la belle musique, c'est un disque gratuit au coin de la rue. On dit souvent que nos enregistrements sonores sont comme un cinquième membre. Et même si on devient de plus en plus pop, les enregistrements sonores gardent une très grande place dans notre musique.
J : Quand je n'écoutais pas de musique concrète, je ne pouvais pas penser que les sons de la rue pouvaient être esthétisés. Des gens comme La Monte Young ont pris des positions, qui m'ont orienté, qui m'ont fait réfléchir, qui m'ont fait prendre moi aussi des positions par rapport à ça. Quand je voyage, j'aime cueillir, pêcher des sons avec un mini-disc.

Vous avez parlé d'impression. Le plus important, c'est que votre musique soit impressionniste ?
J : Quand je parle d'impression, je parle des impressions que je ressens, que je transpose. La musique reste une communication, et c'est valable pour la musique instrumentale. Ce n'est pas la plus facile à comprendre, parce que c'est un autre langage. C'est pas qu'on n'est pas engagés pour autant. Un jour, il y aura peut-être du chant.

L'engagement, ce n'est pas forcément dire des choses, c'est faire des choses. Faire des disques autrement, faire des concerts autrement, c'est aussi une forme d'engagement, non ?
R : A la limite oui, mais ça reste quand même faire des disques et des spectacles. Il y a une façon différente de le faire, mais on le fait quand même. On fait de la distraction, on fait quand même de la vente de disque, du capitalisme à un certain niveau… Pour revenir sur l'idée de communication, on donne quelque chose, mais les gens l'interprètent comme ils le veulent.
JS : Pour moi ce qu'on fait est comme une musique de film pour une émeute, sauf qu'en même temps c'est un produit à vendre, donc c'est une certaine forme de capitalisme, donc je fais ce que je veux combattre.
J : Mais on peut communiquer instrumentalement cette prise de conscience dans un groupe. Ce qu'on veut faire sur le disque, à vous de le trouver. On lance une intrigue...
R : On est toujours fasciné par ce qui est dissimulé.

Si vous arrivez un jour à mettre des textes sur votre musique, vous n'avez pas peur de perdre cet aspect de l'intrigue ?
R : On peut jouer avec le langage de la même façon qu'on peut jouer avec le langage musical. On peut écrire une phrase et jouer avec, d'une telle façon que l'idée ne sera pas nécessairement claire. Les gens vont se trouver face à quelque chose qu'ils vont pouvoir interpréter par eux-mêmes. Mais nous, on saura ce qu'on a voulu dire.
JS : Le langage, qu'il soit parlé, écrit ou musical reste aussi vague...
R : …excepté si tu dis : "vive la révolution..."
JS : Et même là, la révolution qu'est-ce que c'est ? Chacun a son idée de révolution, chaque personne a son idée de vie. Tout est interprétation, que la forme soit musicale, vocale ou écrite.
R : Donc le texte reste une chose abstraite. Combien de fois on a des malentendus avec les gens ?...

Justement, parce que l'interprétation peut déboucher sur le dogme...
R : Pour moi, les textes restent une ouverture sur le discours. Il n'y a pas quelque chose à comprendre, il y a simplement quelque chose à concevoir.
J : Dans Une saison en enfer de Rimbaud, est-ce qu'il y a vraiment quelque chose à comprendre ? C'est plus au niveau des impressions, des sens, au niveau d'une ouverture sur les idées. Ce n'est pas une compréhension ou un dogme. C'est de la poésie, un métalangage.

Pour finir, une question débile : pourquoi est-ce que tu joues en chaussettes ?
JS : Quand tu rentres chez toi, quelle est la première chose que tu fais ?

J'enlève mes chaussures.
JS : C'est pareil pour moi. J'enlève mes chaussures pour être plus à l'aise sur scène.

Constellation
Constellation est un label de Montréal (Québec) qui œuvre depuis 1997 pour nous offrir l'écoute de groupes qui, pour la plupart, sont exclusivement instrumentaux et dont une des figures de proue est certainement God Speed you Black Emperor, groupe à géométrie variable et à effectif élevé.
Constellation, c'est 18 références pour 11 groupes ou artistes et ici, la notion de label prend tout son sens. Il suffit de voir inscrites au dos d'un disque ces 13 petites lettres pour être assuré d'une qualité sonore et esthétique.
Avoir un disque Constellation, c'est l'écouter mais aussi le toucher, le regarder, le montrer, le faire partager; c'est adhérer à une ligne de conduite, un peu comme appartenir à une famille.
Constellation met un point d'honneur à faire à la main chaque pochette : dessiner, couper, plier, coller, emballer, arranger, pour faire de chaque production un objet d'art et donner une dimension tactile à l'objet.
Cette idée de famille vient aussi du fait que la plupart des musiciens de ce label vivent à Montréal (exception de Do Make Say Think, qui viennent de Toronto), ce qui donne une identité commune supplémentaire.
Et comme pour aller au bout de cette logique, certains musiciens participent à plusieurs groupes de Constellation : Roger joue de la guitare dans Fly Pan Am et God Speed you Black Emperor, Jean-Sébastien joue de la basse dans Fly Pan Am et assure les projections lors des concerts de Godspeed ; Efrim, Thierry et Sophie jouent dans Godspeed et A Silver Mt. Zion, Aidan dans Exhaust, 1-Speed Bike et Godspeed. Toutes les combinaisons sont possibles, car on est entre gens qui se connaissent, se comprennent, s'apprécient, se donnent des objectifs communs. Comme dans une grande famille...

Alex Danière

Dernières sorties :
A Silver Mt. Zion (cst018)
Frankie Sparo (cst017)
Hanged Up (cst016)
Re : (cst015)

Constellation - PO box 42002 - Montréal qc Canada h2w 2t3
http://www.cstrecords.com
mail@cstrecords.com