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L'Oeil électrique #21 | Photo / Ganesh sur Seine

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Par Bernard Tribondeau.
Photos : Bernard Tribondeau.

Une entêtante odeur d'épices mêlée à de mielleuses échappées musicales. Des néons aux couleurs acides soulignant les mérites de cartes téléphoniques pré-payées pour communiquer avec Bombay. Des mannequins drapés de saris et ornés de bijoux clinquants côtoyant un baromètre en Tour Eiffel. Des coiffeurs, des loueurs de vidéo, des "cash and carry"... Non, le banlieusard qui rentre de sa journée de travail ne vient pas d'être victime d'une soudaine téléportation au centre de New Delhi ou de Madras.
Vous êtes rue du Faubourg Saint Denis, dans le dixième arrondissement parisien. Au cœur du fief des Tamouls sri-lankais, une communauté discrète souvent confondue avec les Indiens avec qui ils partagent l'art de l'adaptation... et la religion.

60 000 en France, dont plus de 40 000 en région parisienne : les premiers Tamouls se sont installés ici à la fin des années 50. Exilés de leur pays, opposants politiques, réfugiés en transit définitif, ils travaillent avec pignon sur rue - entre les gares du Nord et de l'Est - mais aussi dans le dix-huitième arrondissement. Plus bas, dans le quartier du passage Brady, là où les premiers commerces et restaurants indiens ont fleuri il y a plus de 25 ans, ils ont laissé la place aux Pakistanais et à la communauté kurde.
Les Tamouls sri-lankais, on les retrouve aussi dans presque toutes les cuisines des restaurateurs de la capitale, chez les confectionneurs du Sentier, et bien sûr parmi les informaticiens des start-up. Leurs enfants parlent français, échangent des pokemons, tandis que les parents baragouinent encore l'anglais avec cet accent inimitable.
Habitant pour la plupart en Seine Saint-Denis, au nord de Paris, ils commencent à investir les appartements parisiens, au grand dam des résidents traditionnels des vieux quartiers populaires, qui voient d'un mauvais œil l'immobilier et les boutiques passer cash aux mains des "Hindous", grâce à la "Tamoul connection", savant mélange de débrouillardise, d'amitié, d'entraide, et d'un solide sens du commerce.
Leur Dieu fétiche, c'est Ganesh, le Dieu à tête d'éléphant. Il a de grandes oreilles pour mieux entendre, une défense unique, symbole d'unité et une souris comme complice. Dieu du savoir, de la prospérité, dieu bienfaiteur, c'est le chouchou du sous-continent indien.
Au fin fond d'une impasse partant de la rue Philippe de Girard, les curieux peuvent dénicher le temple de Sri Manika Vinayakar, fondé en 1983. ?tabli dans une ancienne boutique, le temple est LE lieu de rendez-vous de la communauté, pas seulement pour prier, se marier, mais aussi discuter, échanger des informations, se restaurer les week-ends. Ici, les statues sacrées de Ganesh et de quelques autres divinités, dûment consacrées, trônent sur le carrelage ou au beau milieu d'un ancien évier. A l'étage au-dessus, l'appartement de Mr Sanderasekaram, le fondateur du temple : ordinateurs, statuettes, famille dans le couloir, un prêtre de passage...
A son initiative a lieu chaque année début septembre le "Chariot Festival", l'anniversaire de Ganesh. L'occasion pour toute la communauté tamoule de se retrouver dans les rues des quartiers nord de Paris, accompagnée de tout ce que la capitale compte d'Indiens, de Pakistanais, d'Africains, d'Arabes et de curieux !
Dans les rues purifiées à l'eau de rose par les bons soins des services de la voirie de la Mairie de Paris (qui ne manque pas de facturer à bon prix ses prestations à la communauté), Ganesh et son compère Murugan sont promenés sur des chars tirés par les fidèles, tandis que les pénitents portant de lourds "cavadis" décorés de plumes de paon dansent jusqu'à l'épuisement. Tout au long du parcours, les commerçants ne manquent pas d'offrir aux Dieux jamais rassasiés des milliers de noix de coco qui seront brisées à même la chaussée pour garantir un avenir sans nuages.
Depuis deux ans, les médias se sont petit à petit épris de cet événement, et la cérémonie rassemble maintenant plus de 15 000 personnes. L'instant de la fête, le tout-Paris découvre ainsi une communauté et sa culture trop souvent limitée aux senteurs de curry du restaurant indien de quartier. Mais contrairement à Londres, le temps n'est pas encore venu pour la "Little India" de jouer un rôle incontournable dans la vie politique et économique parisienne.

(Ce reportage a été réalisé avec l'aide de la Dotation Kodak Professionnels)