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L'Oeil électrique #22 | Musique / The Stars At My Desk : Artisan musicien

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Par Romain Guillou.
Photos : Arno Guillou.

Fourmi travailleuse de la pop lo-fi hexagonale, Laurent Teissier officie sous le nom de The Stars at my Desk, groupe à la tête de quelques deux cents morceaux répartis entre une quinzaine d'albums cassette, trois splits 45 (45 tours partagés par deux groupes, un par face), et diverses apparitions sur des compilations. Sa musique ? Un chant un rien désabusé, une guitare minimaliste, un invité occasionnel sur l'instrument de son choix, le tout enregistré sur un magnétophone quatre pistes. Des références ? On le laissera en citer, mais le genre est sans concession : quasiment jamais de structure couplet-refrain, un chant en anglais, et un son lo-fi (dû à la technique d'enregistrement, utilisant peu de moyens : lo-fi en réponse à hi-fi). Laurent, c'est aussi The Busted Records, un label fort de vingt-neuf références, le tout complètement maison : de la duplication aux pochettes, en passant par les catalogues, tout est fait à la main. Face au manque de moyens, sa solution c'est le système D, ou alors peut-être le système indé ? Dans notre entretien, on s'intéressera plus à sa démarche qu'à sa musique à proprement parler, mais en fin de compte, celle-ci étant souvent révélatrice de celle-là, elle nous en apprend plus que des descriptions interminables.

Pourquoi as-tu monté un label ?
Pour sortir mes albums, puisque personne d'autre n'est intéressé pour le faire. Quand je les sors moi-même, je vois qu'il y a toujours des gens pour les acheter, alors pourquoi pas ? Et puis, j'ai du temps à perdre. Aussi, ça me fait plaisir de sortir des albums d'autres auteurs dont j'apprécie la musique, des gens complètement inconnus qui n'ont pas le temps de faire leur promotion. Mais en réalité, je me vois plutôt patron de label par défaut : si je ne le faisais pas, personne ne pourrait écouter ma musique.

L'idée à la base, c'était de sortir tes disques ou des disques ?
Je n'ai jamais fait de calculs par rapport à ça, c'est vraiment venu au fur et à mesure. A la base, avec Fred (du groupe Gordz) et Thibault (du groupe TG), nous avions monté le label RuminanCe. Quand on sortait un enregistrement, on l'étiquetait RuminanCe. Puis Fred qui s'occupait de faire presser les 45 tours et de les diffuser, s'est mis à faire de plus en plus de promotion et de business. Au bout d'un moment, il a sorti beaucoup plus de productions que nous et à l'arrivée, il a pris le monopole. Maintenant, il sort des disques de groupes comme Chevreuil (duo rock expérimental), des groupes vraiment importants. The Busted Records a réellement commencé quand l'an dernier il n'a pas voulu sortir le 45 tours Steak from Delta/The Stars at my Desk. Je me suis dit que j'allais quand même le faire. Cela signifiait un minimum d'infrastructure pour bien s'en occuper : j'ai donc repris toutes mes cassettes pour les ressortir sur mon label. Avant ça, The Busted Tapes, c'était simplement le rayon cassettes de RuminanCe.

Qu'est-ce qui différencie pour toi un label non officiel d'un officiel ?
Je n'en sais rien… Pour moi, tout label, à partir du moment où il y a trois disques avec le même nom et la même adresse dessus, c'est un label officiel. Ce n'est sûrement pas une question de notoriété ou de distribution. Peut-être qu'un label officiel gère mieux ses finances, c'est sans doute ça la différence. Mais pour moi, Sony ou The Busted Records, ce sont deux labels officiels : il y a le même crédit, le même sérieux. Je pense qu'il n'y a pas de distinction spéciale à faire.

Tu ne crois pas qu'en fait le public est rebuté par les albums non pressés en usine ?
Oui, c'est clair, il y a une réticence par rapport aux objets faits à la maison, et à la limite, c'est naturel. Le 45 tours Steak/Stars, il s'en est déjà vendu plus qu'aucune de mes cassettes… mais c'est aussi une question de distribution : pratiquement partout en France, les VPC et les disquaires, dès qu'un produit est "usiné", ils le prennent, si c'est un CD-r ou une cassette, ils n'en veulent pas. Les gens ont le réflexe de se dire que si un gars fait une cassette qu'il vend dix balles, c'est qu'il a torché cinq morceaux n'importe comment dessus. Par contre, si c'est un vinyle qui est présenté, alors ils pensent que comme les musiciens ont dû investir beaucoup d'argent pour le faire, les morceaux qu'ils ont mis dessus sont forcément de qualité…

Tu as fait un split avec Herman Düne (groupe issu de la même scène indépendante parisienne, qui maintenant signé, se retrouve par exemple à faire des premières parties de Françoiz Breut). Est-ce qu'en retour tu bénéficies de leur - modeste - notoriété ?
Aujourd'hui, on ne peut plus découvrir ma musique via le split avec Herman Düne vu qu'il est épuisé ; mais ça fait un peu vitrine… et je n'aime pas trop ça d'ailleurs. Je ne cherche pas à faire ma pub avec, je ne le mets pas sur mes flyers, je ne les remercie pas dans mes cassettes, je ne cherche pas spécialement de connections avec eux… ou alors si j'en ai avec eux, c'est comme avec toutes les autres personnes avec qui je réalise des projets.

Tu ne chercheras pas à rééditer ce 45 tours ?
Non. Tout d'abord, je ne suis plus très content de mon travail. Mais c'est sûr que cette collaboration, c'est quelque chose qu'on retient. Par exemple, Abus dangereux (fanzine rock), quand j'ai sorti le disque Steak/Stars, ils ont écrit : "Après un split single avec Herman Düne, qui ont signé sur Prohibited Records... The Stars at my Desk sort un split avec Steak from Delta", point. Mais ce que je trouve le plus dommage, c'est qu'on ne puisse pas jouer ensemble : ils n'ont plus aucun pouvoir de décision sur ce qu'ils font. On leur dit : "Vous allez là, jouer avec tel ou tel groupe". Maintenant qu'ils sont connus, il n'y a plus moyen de rien faire avec eux. Je pourrais sortir une Busted Tape d'un d'eux en solo ou un pirate de vieux trucs qu'ils faisaient avant d'être signés : je suis sûr que j'en vendrais plus que de The Stars at my Desk. Mais franchement, je ne le fais pas parce qu'ils vendent plein de disques : ils n'ont pas besoin de mon argent de poche, je préfère qu'il serve à sortir des albums de groupes moins connus.

Pourquoi as-tu choisi le format cassette sur ton label ?
Je veux bien choisir le format vinyle si tu finances mon prochain album… voilà.

Pourquoi es-tu seul dans The Stars at my Desk ?
Parce que j'ai un très grand ego !!! Non, à la base on était deux et la personne avec qui je jouais est partie à Lyon. A ce moment-là, j'ai cherché des gens pour faire d'autres groupes mais ça n'a pas fonctionné. A côté de ça, je continuais à enregistrer des morceaux sur mon quatre pistes à la maison. Quand j'ai eu une dizaine de morceaux, j'ai fait une cassette et j'ai trouvé que c'était dans la même veine que ce qu'on faisait, alors j'ai repris The Stars at my Desk. Mais même à l'époque où on était deux, le gars avec qui je faisais ça, il venait pour les répétions et les mixages, mais ça s'arrêtait là. Faire une cassette, la pochette, envoyer le tout, c'est vraiment moi qui m'occupais de ça. A chaque fois que j'ai fait des groupes à plusieurs, j'ai toujours été déçu : les autres ne sont pas assez motivés… ou un trop gros ego de ma part ou de la leur, je n'en sais rien. Il y a toujours quelque chose qui ne passe pas, alors je me dis que si je dois faire de la musique, je suis peut-être mieux tout seul.

Ton but c'est vraiment de jouer, ce n'est pas d'en vivre ?
Mon but, ce n'est pas d'en vivre, mais si un jour je peux en vivre, je ne m'en plaindrai pas. Mais bon, c'est utopique. La musique que je fais… elle est proprement invendable. Mais à la limite, j'en suis fier : ça me fait plaisir de faire une musique qui n'intéresse pas les commerciaux qui font des contrats de fous avec la FNAC. L'objectif, je le vois au fur et à mesure. D'ici fin 2002, s'il n'y a personne pour me le payer, je vais sortir un album vinyle de The Stars at my Desk par mes propres moyens. Peut-être qu'à ce moment-là, il y aura des répercussions. Mais quand je vois des musiciens, même comme Herman Düne, qui cherchent à joindre les deux bouts… On se dit qu'ils ont signé sur un label et que tout va bien pour eux, alors qu'ils rament financièrement. En France, il n'y a que soixante millions d'auditeurs potentiels et puis en plus, la France n'a pas une culture rock'n'roll ou pop lo-fi.

Quelles sont tes influences, tes modèles au point de vue de la démarche ?
Des groupes comme Fugazi qui font tout eux-mêmes, sortent un disque sur leur label et en vendent trois cent mille, et qui sur Dischord (leur propre label) sortent plein de groupes inconnus de Washington DC, c'est clair qu'il y a un respect et une envie de faire pareil. Maintenant c'est une musique et des moyens différents… et c'est aussi un pays différent. L'éthique de la lo-fi, ça vient grosso modo de l'esprit du punk américain : tu n'as pas besoin de savoir jouer pour faire de la musique, tu n'as pas besoin d'avoir des gros moyens pour sortir tes disques. Tous les albums de The Mountain Goats (groupe folk américain : guitare et chant) sont tous enregistrés de la même façon, avec les trois mêmes accords, mais c'est fabuleux. Et mes influences c'est The Mountain Goats, Lou Barlow, David Grubbs, Gastr del Sol, Sebadoh, Pavement, Fugazi… Mais c'est clair que les groupes que j'admire, ça va aussi avec une certaine démarche. Ian MacKaye, de Fugazi, disait quelque chose que je trouve très bien : il trouvait dommage que beaucoup de groupes qui sont dans la scène indépendante la voient comme une plate-forme de lancement vers les majors et la grande industrie du disque plutôt que comme une fin en soi. Pourquoi un groupe qui commence à avoir du succès va signer sur un gros truc ? Fugazi, il y a des majors qui ont dû leur offrir des millions de dollars pour les signer et ils sont restés indépendants. J'ai beaucoup de respect pour ça. Après, des influences, des petits groupes je peux en citer des milliards !

Est-ce que The Stars at my Desk signé sur un gros label, ça voudrait encore dire quelque chose ?
Je pense que si j'avais l'opportunité de signer sur un gros label, chose qui à mon avis n'arrivera jamais, je ne signerais que pour un disque, et je demanderais beaucoup de liberté. Je mettrais mon adresse sur le disque pour vendre mes cassettes : je continuerais pareil. Moi, en fait, ce que je ne supporte pas, c'est qu'à un moment donné entre moi qui fais ma musique et la personne qui va acheter mon disque, il y ait plein de commerciaux qui voient ce que je fais comme un produit à refourguer et qui se sucrent au passage. Pour un disque qui est à cent francs dans le commerce, les artistes ne vont toucher que cinq francs dessus ! Et quand je fais une cassette, je ne gagne qu'un ou deux francs, mais au moins, il n'y a personnes d'autre que moi qui se fait un bénéfice.

Albums et catalogues disponibles chez :
The Busted Records
Laurent Teissier
18 av. de la Motte-Picquet
75007 Paris