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L'Oeil électrique #22 | C’est arrivé près de maintenant / Pierre de Gondol

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Par Claire Aubert.

Le principe : le héros et narrateur, Pierre de Gondol, tient la librairie 12 maîtres au carré à Paris. Ses clients sont presque tous des drogués de la littérature, capables de réciter des pages entières de leur auteur favori ou de mener l'enquête plusieurs années durant sur un détail précis de leur œuvre d'élection. Certains viennent embaucher Pierre de Gondol pour enquêter sur un point qu'ils ne parviennent pas à résoudre. On s'emmêle allègrement les pinceaux entre les personnages des livres de la librairie, ceux que rencontre Pierre de Gondol et ceux qui ont vraiment existé, en essayant de ne rater aucun calembour, mais le jeu en vaut la chandelle.

Les éditions Baleine ont créé Pierre de Gondol, la collection des gens qui aiment les gens qui aiment les livres, encore une idée de Pouy, initiateur de la série avec en premier titre : une histoire de libraire menant l'enquête pour savoir où sont passées les cinq âmes de différence entre la version originale et la traduction française de 1275 âmes (ou Pop 1280...) de Jim Thompson. Habituée aux polars de Pouy qu'on lit comme il les a écrits, trop vite, j'ai eu l'impression de le voir se dévoiler, passer plus de temps avec ses personnages, s'y attacher, y mettre davantage de ses références, de ses vrais amis, des "oncles littéraires" qu'il s'était choisis, des personnages qui lui tenaient à cœur... dans la foulée, j'ai acheté le roman de Thompson pour voir si c'était aussi bien que Pouy le disait. Pari gagné !

Ensuite, évidemment : guetter la sortie des titres suivants, les lire aussitôt, avec à la fois le plaisir des retrouvailles et celui de nouveaux auteurs à rencontrer.
Peu importe qu'on connaisse ou non les œuvres citées, utilisées, essorées dans Pierre de Gondol. Le résultat donne le vertige de toute façon, comme si on touchait d'un coup à l'essentiel : les livres qui parlent de livres, les écrivains qui reconnaissent leur famille, qui se revendiquent de certains de leurs prédécesseurs, qui apprennent à jouer avec eux comme s'il s'agissait de personnages de romans... et qui en font, pour de bon, des personnages de roman. Le plaisir, quand on a lu les bonshommes en question, de les retrouver encore une fois, mais en chair et en os (ou presque), et l'envie, si on ne les a pas lus, de les rencontrer un jour. Pierre de Gondol touche à ce que je préfère dans les bouquins, à ce que je cherche toujours plus ou moins dans la masse de mes lectures recommandables ou non : me créer petit à petit un jeu des sept familles de mes écrivains favoris, trouver des ressemblances, des airs de famille là où on ne les attend pas, des relations cachées entre les styles, les personnages, les histoires de types qui ne se sont peut-être jamais croisés mais qui ont des univers communs, alors qu'ils ne se sont jamais lus, ou que l'un a lu l'autre et que ce fut une révélation, ou simplement le plaisir de se sentir un peu moins seul grâce à un livre. Le jeu de qui a lu qui, de qui aurait pu écrire quoi, de pourquoi il a écrit comme ça. On écrit toujours en fonction de ce qu'on a lu, pas d'exemples d'art brut en littérature, de création ex nihilo... Au-delà de l'idée en or d'écrire sur ce qu'on vient de lire (astuce de créateur en mal d'idées, histoire de se donner une caution, une profondeur en se référant à un autre auteur...), apparaissent des préférences, la famille qu'on se choisit, ceux qui font partie de l'intimité de lecteur. On rejoint le mythe de la bibliothèque idéale, où chaque livre serait entouré de ceux qui lui font écho... Et Pouy créa Pierre de Gondol.

Le plus déjanté : Sous les pans du bizarre, de Rémi Schulz (octobre 2000, 80F) sans hésitation. Une théorie percutante sur Virgile (et authentique, c'est peut-être le plus inquiétant) qui s'achève en étude comparée avec Jean-Bernard Pouy... on ne sait pas si on y croit ou pas. Et finalement si.

Le plus attachant : 1280 âmes, de Pouy (octobre 2000, 69F). Un de ses clients vient demander à Pierre de Gondol s'il sait pourquoi le roman de Jim Thompson s'appelle Pop 1280… en version originale et 1275 âmes en français. Gondol enquête : où sont passées les 5 âmes manquantes ?

Le plus évident : Le Cinquante-quatrième jour, de Brasseur (avril 2001, 85F). Parce qu'il parle de Perec, et que Perec est peut-être l'auteur qui se prête le mieux à ce type de jeux... à se demander si ce n'était pas fait exprès... Le défi : La montre du mède, de Kerbellec (janvier 2001, 98F). Presque impossible à lire tellement il est bourré de références secrètes et inexpliquées. On se demande où on est tombé, et surtout si on va arriver à la fin. Le plus inquiétant : La pente si sage de la vie, de Cédric Fabre (septembre 2001, 80F). A se demander s'il a tout inventé ou si les auteurs dont il parle ont existé...