Par Claire Aubert. Le principe : le héros et narrateur, Pierre de Gondol, tient la librairie 12 maîtres au carré à Paris. Ses clients sont presque tous des drogués de la littérature, capables de réciter des pages entières de leur auteur favori ou de mener l'enquête plusieurs années durant sur un détail précis de leur œuvre d'élection. Certains viennent embaucher Pierre de Gondol pour enquêter sur un point qu'ils ne parviennent pas à résoudre. On s'emmêle allègrement les pinceaux entre les personnages des livres de la librairie, ceux que rencontre Pierre de Gondol et ceux qui ont vraiment existé, en essayant de ne rater aucun calembour, mais le jeu en vaut la chandelle. Les éditions Baleine ont créé Pierre de Gondol, la collection des gens qui aiment les gens qui aiment les livres, encore une idée de Pouy, initiateur de la série avec en premier titre : une histoire de libraire menant l'enquête pour savoir où sont passées les cinq âmes de différence entre la version originale et la traduction française de 1275 âmes (ou Pop 1280...) de Jim Thompson. Habituée aux polars de Pouy qu'on lit comme il les a écrits, trop vite, j'ai eu l'impression de le voir se dévoiler, passer plus de temps avec ses personnages, s'y attacher, y mettre davantage de ses références, de ses vrais amis, des "oncles littéraires" qu'il s'était choisis, des personnages qui lui tenaient à cœur... dans la foulée, j'ai acheté le roman de Thompson pour voir si c'était aussi bien que Pouy le disait. Pari gagné ! Ensuite, évidemment : guetter la sortie des titres suivants, les lire aussitôt, avec à la fois le plaisir des retrouvailles et celui de nouveaux auteurs à rencontrer. Le plus déjanté : Sous les pans du bizarre, de Rémi Schulz (octobre 2000, 80F) sans hésitation. Une théorie percutante sur Virgile (et authentique, c'est peut-être le plus inquiétant) qui s'achève en étude comparée avec Jean-Bernard Pouy... on ne sait pas si on y croit ou pas. Et finalement si. Le plus attachant : 1280 âmes, de Pouy (octobre 2000, 69F). Un de ses clients vient demander à Pierre de Gondol s'il sait pourquoi le roman de Jim Thompson s'appelle Pop 1280… en version originale et 1275 âmes en français. Gondol enquête : où sont passées les 5 âmes manquantes ? Le plus évident : Le Cinquante-quatrième jour, de Brasseur (avril 2001, 85F). Parce qu'il parle de Perec, et que Perec est peut-être l'auteur qui se prête le mieux à ce type de jeux... à se demander si ce n'était pas fait exprès...
Le défi : La montre du mède, de Kerbellec (janvier 2001, 98F). Presque impossible à lire tellement il est bourré de références secrètes et inexpliquées. On se demande où on est tombé, et surtout si on va arriver à la fin.
Le plus inquiétant : La pente si sage de la vie, de Cédric Fabre (septembre 2001, 80F). A se demander s'il a tout inventé ou si les auteurs dont il parle ont existé...
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