Par Cyrille Cléran.

Juin 2001. Dans le cadre du volontariat international, notre ami Momo reçoit son affectation : Jérusalem-Est. Dom et moi décidons de lui rendre visite en septembre. Ni lui ni nous n'étions alors sans ignorer la conjoncture explosive - comment l'ignorer ? - mais une promesse est une promesse. En prévision de cette escapade proche-orientale, pendant trois mois, nous eûmes donc le loisir d'écouter les informations internationales et de lire avec attention les comptes-rendus que Momo nous envoyait régulièrement, via Internet. Nous avions de plus en plus hâte de nous faire notre propre idée sur cette région. Comment là-bas la situation avait-elle pu à ce point se dégrader ? Comment les protagonistes de cette énième Intifada vivaient-ils ? Pourquoi l'O.N.U n'intervenait-elle pas et pourquoi sur cette terre pouvait-on encore impunément perpétrer des crimes contre l'humanité ? Questions confondantes de naïveté qu'il était et qu'il est toujours difficile de ne pas se poser... Il est des choses que l'on ne peut pas comprendre tant qu'on ne les a pas vues. Il est des choses que l'on ne comprendra jamais, même après les avoir vues. La réalité sur place, triste à pleurer, faite de tensions, d'injustices, de paradoxes déroutants, d'imbroglios sacro-historico-politico-administratifs et d'absurdités invivables, nous est apparue au fil des jours. Plus les problèmes des check-points, des colonies, des inégalités et des incompréhensions se dessinaient, plus nous avions du mal à comprendre comment les gens pouvaient accepter de vivre cet enfer.
Psychose militaro-sécuritaire, racisme et vexations d'un côté, impuissance à s'organiser haine et peur de l'autre, apartheid, barbarie…, telles sont pêle-mêle les facettes mises à jour sous le ciel bleu de l'été qui s'achevait. Il n'y a pas de quoi être fier d'être humain quand l'on assiste à un tel gâchis.

Samedi 1er septembre 2001, 20h20, quartier palestinien :
Les hélicoptères de Tsahal tournicotent au-dessus de Jérusalem-Est. A l'aube, à l'aéroport, il a fallu subir les flots de questions d'une flopée d'agents de sécurité. Le pot de Nutella semblait louche mais ils l'ont finalement laissé passer.
Les muezzins se sont tus. Un "money-changer" a converti nos dollars en shekels. Un chien des rues, livré à lui-même, aboie. Une détonation retentit. Attentat ? Assassinat ? En attendant de savoir ce qu'en disent les journaux, on débouche une bouteille de cidre, denrée rare sous ces cieux cashers. On ne s'inquiète pas. Il fait bon sous la tonnelle. Le quartier est sûr. Sauf erreur de manipulation médiatique, les bombes explosent ailleurs que dans les quartiers palestiniens.

Actuellement en Côte-d'Ivoire, Cyrile Cléran prépare avec des membres de l'association Zyggy un reportage sur l'implantation d'une bibliothèque informatisée dans un village de brousse, à Kolia. Les photographies d'Elisabeth Lhomelet feront l'objet d'une exposition sur Rennes.