Par Delphine Descaves, Sophie Rétif. Photos : Patrice Normand. Qui sont les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, ces nonnes provocantes et maquillées au nom généreux ? Simples créatures carnavalesques ? Perturbatrices voulant en découdre avec les hiérarchies ecclésiastiques ?
Non, rien de sérieusement clérical dans cette association homosexuelle militante aux actions résolument tournées vers la prévention contre le sida. Née d'un mouvement gay d'origine américaine, elle en a cependant gardé les allures de religieuses parodiques, proches d'une esthétique drag-queen. Façon de fustiger les positions ultra réactionnaires de l'Eglise en matière d'homosexualité…
Jean-Marie Voignier est la Mère d'un des "couvents" français fondés par cette association. Par un samedi tristounet, nous arrivons à Segré, petite ville du Maine-et-Loire, pour le rencontrer.
Nous pénétrons dans "La Vallée bleue", magasin de fleurs à la vitrine soignée. Un homme se dirige vers nous, rond et souriant ; ce quadragénaire à l'air affable serait Sœur Carmensida von Golgotha ?
C'est là, au fond du magasin, parmi les vases et les bouquets composés, quand même un peu kitsch, de la boutique, que nous nous asseyons pour entamer l'entretien.
Jean- Marie n'est ni un théoricien, ni un historien, mais bien un militant, qui parle en s'appuyant d'abord et toujours sur son expérience personnelle. Anecdotes multiples sous lesquelles on se noie : amusantes, étonnantes… mais invérifiables et qu'on choisit d'écarter pour la retranscription écrite. Reste son parcours d'homme et de militant de la "cause" gay, qui croise un jour les délires des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Mais derrière les outrances très formalisées de ces fausses Sœurs, il y a de la place aussi pour un homme comme Jean-Marie : optimiste et réaliste, grande gueule, roublard sans doute, mais aussi sorti meurtri des années sida. Un ancien fils de bonne famille qui a dû ouvrir parfois brutalement la voie de sa propre identité et qui semble ne pas cesser de savourer cette émancipation.
Dans quelles circonstances a été créée l'association des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence (SPI) ?
Les SPI de France descendent en droite ligne de leurs aînées américaines. Dès 1979, elles sont vite apparues dans toutes sortes de manifs : antinucléaires, féministes, etc. Elles ont ensuite essaimé un peu partout dans le monde, mais ce n'est qu'en 1991 qu'un couvent est né, à Paris, grâce à deux journalistes de Gai-Pied. Les années sida battaient alors leur plein et les SPI américaines ont été le premier groupe militant à diffuser des messages écrits de prévention. En France, nous avons nous aussi d'emblée ajouté au but premier de visibilité homosexuelle un second : celui de la prévention et de la lutte contre le VIH.
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