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L'Oeil électrique #26 | Société / Johanna Siméant, sociologue de l’humanitaire

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Par Sophie Rétif, Sylvain Lefevre.
Photos : Patrice Normand.

Johanna Siméant le reconnaît volontiers : ce n'est absolument pas au hasard qu'elle a choisi, en tant que sociologue, d'étudier les "travailleurs" de l'humanitaire. "J'ai toujours été plus ou moins fascinée par le monde des "French doctors", comme beaucoup de ceux de ma génération, même si je n'ai jamais eu envie d'en faire ma vie. Faire une recherche de sociologie sur ce monde-là, c'était aussi un moyen pour moi de partir au moins une fois, de voir comment les choses se déroulent concrètement sur place." Toute jeune professeure de sciences politiques, elle a d'abord réalisé une thèse remarquée sur les mobilisations de sans-papiers (La Cause des Sans-Papiers, Presses de Sciences Po, 1998). De cette première recherche sur le militantisme et l'engagement est née l'envie d'étudier les organisations de solidarité internationale. Avec ses collègues de l'université de La Rochelle (notamment Pascal Dauvin, Philippe Juhem et Jean-Pierre Masse), elle entame donc en 1998 une recherche sur trois ONG françaises : Médecins Sans Frontières, Médecins Du Monde et Handicap International. Les sociologues ont rencontré des volontaires et des salariés aux sièges de ces organisations, réalisant avec eux de nombreux entretiens individuels, et les ont accompagnés en mission à l'étranger. Johanna Siméant est ainsi partie avec Médecins Du Monde au Mali, en Guinée-Conakry et au Libéria durant l'été 1998. En se penchant à la fois sur les trajectoires individuelles des militants de l'humanitaire, et en observant le travail des ONG sur le terrain, l'équipe de chercheurs a réalisé l'une des études les plus complètes disponibles en France sur les acteurs de ces organisations. Si elle parle avec passion de ces mois de travail, des rencontres et des expériences accumulées, Johanna Siméant évoque également la difficulté de se positionner en tant que sociologue face à un enjeu tel que celui de l'action humanitaire. Comment objectiver scientifiquement le travail de ceux qui sont en train de sauver des vies, "ce que nous, universitaires, on ne fera jamais."? Ainsi, elle se refuse à dresser un tableau homogénéisant et systématisant et cherche plutôt à montrer la diversité du monde des "humanitaires".

Vous distinguez deux générations de militants au sein des organisations humanitaires que vous avez étudiées. Quels sont les différents profils de ces militants, quel rapport ont-ils à l'humanitaire en général ?
Il y a deux générations dans l'humanitaire, peut-être même y en a-t-il trois maintenant (avec l'émergence récente d'une génération très professionnalisée). Dans les années 70, l'humanitaire concernait avant tout des médecins qui avaient envie d'être médecins autrement, dans des organisations qui n'allaient pas les salarier, et donc qui gagnaient leur vie à côté (pour ce qui est de l'humanitaire à la française en tous cas). La seconde génération serait un peu la mienne, une génération de gens qui ont été socialisés dans les années 80-90 et qui ont donc connu une très grande valorisation sociale de l'action humanitaire. Ce sont des gens, qui comme beaucoup d'étudiants encore, viennent vous voir à la fin des cours en vous disant : "Je voudrais rentrer dans l'humanitaire," et qui accolent très fortement l'humanitaire à l'idée d'en faire leur vie et leur carrière. Ces gens ne sont pas tous des médicaux et se posent la question de l'expatriation de manière assez différente. Ils ne peuvent pas se dire comme les médecins "On va partir trois mois puis revenir, et reprendre un travail en centre hospitalier." Ils essaient de promouvoir d'autres conceptions de l'humanitaire que la simple transposition de compétences médicales. Ce sont ces différentes conceptions qui opposent quand même assez fortement deux générations. Un des clivages les plus importants concerne le rapport au phénomène de professionnalisation : lors de la création des premières ONG humanitaires en France, on ne concevait pas le travail humanitaire comme une profession à part entière et on ne souhaitait pas qu'il le devienne.
Avant de parler de militantisme humanitaire, il faut tout d'abord s'interroger sur le moment à partir duquel on a le droit de parler de militantisme dans une organisation. Je ne dis pas ça pour mésestimer leur engagement, mais je ne suis pas persuadée que tous les humanitaires qui partent se définissent comme des militants. A l'inverse ça ne veut pas dire que quand on est salarié d'une organisation on ne l'est pas. Les personnes engagées dans des ONG ont quand même un rapport particulier au politique : certains ont par exemple milité en dilettante auparavant mais ne s'y sont pas forcément retrouvés. Ils trouvent peut-être que finalement c'est aussi bien de partir faire de courtes missions d'urgence sans forcément être dans une organisation trop hiérarchique, parce que certains vivent le militantisme comme un embrigadement. La question de l'engagement militant est une question importante et elle se pose encore plus face au phénomène de professionnalisation.