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L'Oeil électrique #26 | Action / Le mystère sténopé

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+ Le mystère sténopé

Par Valérie Humbert.

Technique ancestrale de production d'images devenue populaire dans les pays anglo-saxons, la petite boîte noire possède en France des ambassadeurs généreux au sein de l'association Oscura. Celle-ci multiplie les ateliers et les expositions de Saint-Denis à Skopje, de Bamako à Marseille. Jean-Michel Galley est l'un des fondateurs d'Oscura - une âme nomade.

Le sténopé est un appareil photo sans objectif. Dépourvu de lentille, seul un trou d'épingle laisse passer la lumière pour former l'image sur un feuille de papier photo placée au fond d'une boîte.

Comment est née l'association Oscura ?
Nous avons créé l'association au début des années 90. Elle ne regroupe pas seulement des photographes professionnels. Ce sont plutôt des gens qui se servent du sténopé comme d'un langage pour raconter des histoires et rencontrer les autres. Avec Nicolas Tourlière, un membre de l'association, nous avons expérimenté pour la première fois le phénomène en compagnie d'un jeune sculpteur d'Orléans qui fabriquait des "sténopodes" (une boule de bois évidée qui sert à observer l'image sténopé éphémère). C'était pour moi une idée géniale pour approcher les citadins dans l'espace public, car tout ce qui se rapporte à l'histoire urbaine m'intéresse. A cette époque, le sténopé n'était pratiqué en France que par une poignée de personnes. Oscura a donc été un instrument de diffusion des images et d'un mystère qui excite la curiosité à tout âge et à toute heure.

Qu'est-ce qui différencie le sténopé de la photographie ?
L'image que l'on produit n'a rien à voir avec nos habitudes de voir ou de faire. Le sténopé est à la fois simple dans sa fabrication (puisqu'il suffit de percer une boîte en métal pour se constituer un appareil photo) et compliqué dans son utilisation parce qu'il oblige à s'approprier tout le phénomène optique du négatif au tirage papier, bref à ne pas rester spectateur. Une des plus grandes surprises, c'est le temps de pose particulièrement long (notre négatif est en papier, donc peu sensible). Cela peut durer jusqu'à plusieurs jours ! Ensuite c'est la profondeur de champ en principe infinie qui ne nécessite aucune mise au point ; on réinvente personnages, paysages, on détourne la photographie publicitaire, de reportage ou d'identité. Avec le sténopé, on ne peut pas se presser, on se promène tout le temps, à la rencontre des lieux et des gens qui nous interrogent sur ces drôles de boîtes. On discute autant qu'on fait des images. Si on doit revenir au "clic-clac", on ne sera plus jamais tout à fait les mêmes.

Est-ce une pratique accessible à tous ?
Nous avons monté notre premier atelier sténopé à Saint-Denis dans la banlieue parisienne avec des jeunes du quartier des Franc-Moisins. En partant de la cité, ils sont allés jusqu'à la Basilique où ils n'étaient jamais entrés et ils y ont même rencontré l'aumônier de l'école de la Légion d'Honneur. Une belle "passerelle" au-dessus de l'autoroute ! A l'étranger, nous avons commencé par la Turquie, la Roumanie, puis le Mali, où Elisabeth Towns, une des grandes combattantes de notre groupe, a dirigé les ateliers pendant plusieurs années jusqu'à la reconnaissance des Rencontres Photographiques de Bamako et la publication d'un livre aux cinquante jeunes auteurs (1). Nous travaillons avec toutes les générations, autant les mères de famille de Rubi près de Barcelone, les marchands du vieux bazar de Skopje en Macédoine que les familles des "anciens" des Chantiers de La Ciotat. Rendre accessible, c'est aussi se déplacer comme des forains : durant notre opération La petite ceinture, nous avions un sténopé géant et mobile, un bus de la RATP qui s'est promené d'une maison de retraite à un centre de la Protection Judiciaire de la Jeunesse jusqu'à l'ombre des arbres du Bois de Vincennes. Aller partout où on ne nous attend pas, comme dans notre dernier projet Vues Imprenables en 2001-2002 de Barcelona à Napoli, de Palermo à Valencia en passant par Marseille. Une grande histoire entre ces ports - des quartiers oubliés aux lieux mythiques, du Vésuve au "Panier", histoire qui prend aujourd'hui la forme d'une exposition itinérante, d'un site Internet (2) et bientôt d'un livre.

Il n'y a pas de star system dans le sténopé !
Nos superstars sont Aristote, Al-Hazen qui observait les éclipses depuis une tente plantée dans un désert d'Afrique du Nord et Léonard de Vinci qui systématisa la chambre noire. Quant à nous, nous hésitons sans cesse entre un travail personnel et une œuvre collective. Comment déterminer l'auteur d'une boîte qui a été fabriquée par Martin, chargée par Sylvie, posée par Mohamed et développée par Tiémoko ? Cette photo, c'est celle d'Oscura, anonyme comme un masque africain ou une sculpture du Moyen Age. Cela n'est pas incompatible avec des images signées, mais toujours issues d'une recherche et d'une confrontation entre plusieurs personnes. Des stars peut-être, néanmoins pas une star. Oscura est avant tout un laboratoire dans lequel on développe une étrange alchimie en noir et blanc et pourtant entre plusieurs couleurs…

(1) Mali photo, sténopé d'Afrique, Ed. Snoeck-Ducaju et Zoon, Atalante et Oscura. 2001.
(2) www.vuesimprenables.com

Contact
Association Oscura
293, rue de Belleville - 75019 Paris
Tél./fax : 01 42 00 33 45
26, rue Marx-Dormoy - 13004 Marseille
Tél. : 04 91 49 97 40
oscura@wanadoo.fr