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L'Oeil électrique #28 | Société / Ce que donner veut dire

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Par Emmanuel Grez, Yann Gourmelen.
Photos : Yann Gourmelen.

Dans une lettre ouverte (décembre 2002), les "habitants du bidonville de Vaulx-en-Velin" se présentent :
"Nous sommes des Roms d'ex-Yougoslavie ou de Roumanie. Là-bas, parce que notre nationalité "rom" apparaît sur tous nos papiers officiels, nous sommes rejetés : nos enfants ont des difficultés à l'école, nous avons du mal à trouver du travail, à nous faire soigner, à nous loger… Nous sommes menacés dans les rues et les lieux publics. Certaines de nos maisons ont été couvertes d'inscriptions réclamant notre départ, d'autres ont même été incendiées ou détruites. C'est pour ces raisons que nous sommes venus en France, parce que nous pensions que c'était un pays accueillant."
Une après-midi d'octobre 2002, deux associations caritatives apportent de la nourriture, sur le terrain où 400 Roms sont cantonnés depuis plusieurs mois. Quelques bénévoles, qui n'osent manifestement pas franchir l'entrée du camp, distribuent une aide d'urgence en vrac, sachets et cartons, sans trop s'éloigner de leurs véhicules. Entre autres, presque cyniquement, ils tendent aux Roms des sacs contenant un nécessaire de toilette : le manque d'hygiène et les problèmes dermatologiques, sur un campement qui ne dispose que d'un seul point d'eau, ne seraient-ils qu'une histoire de mauvaise volonté ?
Un membre de l'ALPIL (1), une des rares associations présentes quotidiennement, depuis juin, auprès des Roms, éructe de colère contre ces caritatifs qui, ainsi, ne servent que les premiers arrivés - déjà des familles arrivent de l'autre bout du terrain pour finalement repartir les mains vides -, et jettent à nouveau les gens dans un rapport de mendicité, où la main tendue reste la seule façon d'obtenir quelque moyen de subsistance. Eternelle "posture des pauvres" : réprouvés du monde mais élus de Dieu, "ils doivent se montrer comme Dieu les aime : simples, purs, humbles, aimables, sollicitant avec modestie et avec bonté"(2). Il suffit pourtant d'aller voir chaque famille, d'évaluer les besoins et de distribuer en fonction nourriture, vêtements, ou soins (une équipe de Médecins du Monde opère ainsi une fois par semaine). Encore faudrait-il oser traverser les flaques de boue pour se retrouver au milieu des Roms, et peut-être prendre le temps de parler…


(1) Association lyonnaise pour l'insertion par le logement, http://www.habiter.org
(2) J.-L. Vivès (philosophe humaniste), De subventione pauperum, 1525, trad. Del soccoro de los pobres, Barcelone, Hacer, 1992