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L'Oeil électrique #3 | Métier / Educatrice spécialisée

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MÉTIER / EDUCATRICE SPÉCIALISÉE

Par Guillaume Lagree.

Après avoir obtenu un bac professionnel comptabilité, secrétariat, agent administratif et commercial, Sandrine a passé un concours d'éducateur à l'Institut Régional du Travail Social de Lille, ce au bout d'une année de préparation. Elle est aujoud'hui éducatrice sociale et professionnelle. Elle s'est dirigée d'elle-même vers les toxicomanes après son concours d'éducateur. Elle estime en effet que ce sont les plus abandonnés : ne pense-t-on pas le plus souvent que s'ils sont là, la faute leur en incombe ?

Peux-tu définir ton travail en quelques mots?
C'est difficile, car mon travail ne se limite pas au simple mot " éducateur ". Je suis à !a fois assistante sociale (aide financière, aide au logement, etc.), confidente psychologue et en même temps j'essaie de faire de l'insertion. Le tout sans entrer dans le système de l'assistanat. Je dirais que nous sommes là pour aider, écouter sans juger.

Où travailles-tu ? Ville, institution, quartier ?
Je travaille dans un foyer à Dunkerque qui s'occupe essentiellement de personnes souffrant de dépendance à différents produits. Dunkerque comprend également Petite-Synthe, Rosendaël, Malo, Lefinckeucke. Quant aux quartiers, je vais généralement dans les quartiers dits " chauds ", rencontrer les jeunes, ne serait-ce que pour demander si tout va bien, établir un contact. Bien sûr, je vais également sous les ponts, dans les parcs, etc. Nous travaillons avec deux associations : " ADIS " pour le SIDA et " Michel " pour la drogue. Ce sont des personnes formidables, bénévoles et qui' s'investissent à 100%.

Avec quel public travailles-tu ?
Je travaille avec un public d'hommes et de femmes entre 16 et 25 ans. Pour les personnes plus âgées, c'est un organisme comme l'association " Michel " qui prend la relève. Nous sommes un foyer et ne pouvons pas garder les jeunes éternellement.

Quelle est l'origine sociale de ces jeunes ?
Ils viennent de tous les horizons, pour la plupart de milieux défavorisés, et les causes de leur chute sont multiples (chômage, mal de vivre,...). Je dirais que la drogue ne regarde pas de quelle couleur on est ni si on a de l'argent ou pas.

Qu'est-ce qui les a fait tomber ? Environnement social, dépression, mauvaises fréquentations ?
Un peu de tout cela. La première est le mal de vivre et une société qui aime l'interdit.
Bien sûr, il y a également le chômage, le manque d'argent, l'indifférence, mais aussi leurs problèmes personnels (parents, amis, etc.) et puis l'envie, lors d'une soirée, de faire comme tout le monde.

Quel est leur niveau d'études ?
Ca va du CAP au Bac+6 avec une majorité de Bac+5 mais les étudiants de haut niveau prennent plutôt des amphétamines pour tenir.

Combien de temps restes-tu sur un cas ? Un mois, un an, plus ?
Je reste sur un cas soit jusqu'à ce qu'il sorte de notre structure à 25 ans, soit avant parce qu'il est " guéri ". Disons une fois qu'il commence à se rendre compte par lui-même qu'il était dans un état de dépendance. Parfois certains viennent juste nous dire bonjour, nous apprendre ce qu'ils deviennent et cela nous fait plaisir.

Quel est le taux de réussite de ton équipe ?
Environ 55%, en sachant que nous avons la Belgique et l'Angleterre pas loin.

Et d'ailleurs quand estimes-tu avoir réussi ta mission ?
J'estime avoir réussi quand le jeune a de la drogue en face de lui et sait dire " non " sans la moindre hésitation, mais également lorsque le jeune envisage S'avenir et construit des projets car, avec la drogue, ils n'envisagent plus rien.

Travailles-tu de la même manière que tes collègues ? Combien êtes-vous ? Pour un public de combien ?
Oui, nous travaillons de la même manière. Comme ça, si l'un d'entre nous est absent et qu'un jeune se présenté, on peut gérer le problème car on connaît le dossier. Nous sommes dix pour un public de quatre à cinq cents jeunes.

La coordination police-justice-secteur social te semble-t-elle suffisante dans ton travail ?
Je dirais que cela dépend des moments mais, dans l'ensemble, on travaille en bonne entente. Bien sûr, cela dépend aussi de la mentalité de certaines personnes.

De ces deux critères, lequel te semble le plus pertinent pour juger de ce type particulier de délinquance : l'immigration ou la pauvreté ?
Sans hésiter, la pauvreté. Qu'importé l'origine de la personne, c'est le manque d'argent qui prime.

Penses-tu que la loi de 1970 doive être réformée ? Quelle est ta position sur la dépénalisation des drogues douces ?
Je ne peux l'imaginer. Cela voudrait dire que dans le futur on trouvera normal que quelqu'un roule un tarpé devant des enfants, que l'on fasse pousser de l'herbe sur le balcon et, vu le manque d'argent, pourquoi pas, oui, un commerce avec pour enseigne : " Venez choisir votre herbe ". Cela, par la suite, deviendrait naturel, entrerait dans nos mœurs. Non, je suis contre.

Juges-tu que l'usage des drogues douces mène nécessairement aux drogues dures comme l'affirme, par exemple, Jean-Louis Debré, ministre de l'Intérieur de 1995 à 1997 ?
Cette question a toujours soulevé des polémiques. Certains diront : " Attends ! Moi, tous les samedis soirs, je bois un apéritif, cela ne fait pas de moi un alcoolique ". Oui, c'est vrai, mais ça peut y amener. Je dirais que cela dépend des personnes mais une étude récente a montré que 70% des jeunes drogués ont commencé par un joint. J'en ai un qui consomme plus de trente joints par jour. Il cherche toujours à en avoir plus. Donc je pense que, oui, cela peut mener à la drogue dure.

Tu vis et travailles dans une région frontalière : France, Belgique, Royaume-Uni. Penses-tu que les contrôles aux frontières sont suffisants, efficaces ?
Je pense qu'en Belgique, il y en a plus du fait même de l'Europe. Disons que, dans l'ensemble, oui, en sachant que les douaniers ont du matériel très efficace mais que les revendeurs également.

Comment en es-tu venue à travailler dans ce domaine ?
Par choix, par envie, par goût et en passant des concours.

Quelles qualités te paraissent nécessaires pour y réussir ?
La volonté, ne pas avoir peur des heures sup, avoir du cœur, de la simplicité, du courage mais c'est un métier si prenant et si captivant qu'on se laisse guider.

Peux-tu évaluer le pourcentage de tes jeunes atteints du SIDA ?
En sachant que le SIDA ne se développe pas tout de suite, à l'heure actuelle, ils sont 15%. Ils savent pertinemment ce qu'ils risquent à s'échanger des seringues alors que les pharmacies les donnent. Enfin, certaines. Elles ne jouent pas toutes le jeu.

Quelles sont les réactions des parents face au mal dont souffrent leurs enfants ?
Cela dépend du milieu. Parfois, de l'indifférence parce que la mère a huit enfants à charge ou que le père boit. Je dirais qu'au départ, c'est l'étonnement puis l'incrédulité du fait qu'ils n'ont rien vu mais également d'apprendre de quoi leur enfant était capable pour se procurer des drogues, puis, c'est le rejet, le dégoût. Vient ensuite la tristesse et 70% décident de soutenir leurs enfants.

Comme dans toute guerre, il y a des morts... Combien en as-tu chaque année ?
Cela varie. L'année passée, on a perdu cinquante jeunes et, cette année, déjà quinze.