C’EST BEAU LA VIE / SAVOIR-VIVRE . " Le savoir-vivre est la somme des interdits qui jalonnent la vie d'un être civilisé, c'est-à-dire coincé entre les règles du savoir-naître et celles du savoir-mourir. " Les origines C'est au Moyen Âge qu'apparaissent les premiers traités de savoir-vivre, qui sont en général plus particulièrement destinés aux femmes. Le chastoiement des Dames leur explique la meilleure manière de se comporter : être propre, avoir les ongles courts, consommer anis, fenouil et cumin contre la mauvaise haleine, ne pas s'essuyer le nez à la nappe, éviter les baisers prolongés pendant les ébats amoureux qui " échauffent " la femme et accentuent la force de son haleine.On lui explique aussi comment elle doit rire. Et comment elle doit s'exprimer... La table Les conseils pour ce qui est des manières de table en disent long sur les pratiques en vigueur. La liste des attitudes inconvenantes et à éviter est assez imposante : se mettre les doigts dans le nez ou dans les oreilles, roter, se moucher avec les mains, plonger la main dans la sauce, s'essuyer la bouche ou le nez à la nappe, boire la bouche pleine, plonger la nourriture dans la salière, cracher sur la table... " Il est malseant et peu honneste de soi gratter la teste à table et prendre au col ou au dos, pouls et puces ou autre vermine et la tuer devant les gens. " Erasme À la Renaissance, la situation s'améliore. Et, bien qu'on n'en arrive toujours pas au summum de la bienséance, on pense beaucoup plus à la manière dont on va être perçu. Certains se font poser des ventouses " sur la veine du fessier pour péter plus clair ", ce qui, vous en conviendrez, est de loin préférable. Érasme définit lui aussi les grandes règles du savoir-vivre. " Avoir la morve au nez, c'est le fait d'un homme malpropre. " Il déplore " les gens qui barbouillent de gouttes d'urine les bords de leurs chausses et de leur pourpoint ou qui portent sur leur jabot, sur leurs manches, de sales incrustations, non de plâtre, mais de morve ou de crachats ". Il conseille aussi de " retenir les pets en compressant l'estomac " et d'éviter de " bouger d'avant en arrière sur votre chaise. Quiconque fait cela donne l'impression de péter ou d'essayer de péter en permanence ". Par contre, il ne faut pas avoir " peur de vomir si vous le devez. Car ce n'est pas de vomir mais de retenir le vomi dans la gorge qui est répugnant ". Nadine de Rotschild Aujourd'hui, c'est elle la grande prêtresse du savoir-vivre, qui nous inonde de ses inestimables conseils. Politiquement correct Et bien sûr, ces dernières années, on a " inventé " le politiquement correct, sorte d'avatar particulièrement dégénéré du savoir-vivre. Le respect de l'Autre, qu'est censé promouvoir le savoir-vivre, se transforme en une hypocrisie malsaine où l'on n'ose plus appeler un chat un chat, dans un monde en plastique qui veut réécrire le Petit Chaperon Rouge et la Nativité. Mais en fait, tout ça n'est pas vraiment nouveau. Le grand Érasme, toujours en avance sur son temps, en fut le précurseur, lorsqu'il déclara : " C'est non seulement un outrage, mais une sottise que d'appeler borgne un borgne, boiteux un boiteux, louche un louche, et bâtard un bâtard " (les " afflictions " décrites relevant bien, elles, de leur temps). Aujourd'hui, Érasme parlerait d'enfant à parents issus de milieux socio-culturels hétérogènes, d'individu à mobilité chaotique, et de personne à vision latéralisée. Les étrangers Eux, par contre, sont irrécupérables. C'est bien connu, ils manquent tous de savoir-vivre. Et malgré les efforts des professeurs ès bienséance de la planète, il est regrettable de constater qu'ils n'ont toujours pas compris les règles élémentaires de la politesse. Selon la langue, ce manque total de courtoisie s'exprime de diverses manières : |