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L'Oeil électrique #4 | Musique / Sloy

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MUSIQUE / SLOY .

Si Sloy était réputé pour l'intensité de ses concerts, le groupe n'avait pas jusqu'ici établi de distinction claire entre le travail de studio et la performance scénique (d'où deux premiers albums qui étaient plus ou moins une retranscription des concerts). De retour au bout de deux ans avec cet Electrelite, force est de constater que tout ça a bien changé. Si c'est toujours l'intensité des ambiances qui est recherchée, il s'agit ici d'un travail bien plus centré sur des atmosphères plus denses et claustrophobes (exception faite d'un petit intermède disco-disjoncté, qui n'est pas sans rappeler certains moments de Talking Heads), à la limite de l'obsessionnel. Tous les ingrédients sont présents dès l'introduction idéale que constitue Seedman : batterie qui groove, basse crade qui tourne en boucle, guitares " planantes ", et voix dérangée (et sur ce morceau précis un déferlement de batterie vers la fin qui vous décapera bien les oreilles). Les morceaux sont ainsi véritablement produits avec un réel travail sur les sons, qui s'inscrit même par instants dans une pure tradition dub (I'm an electrelite, The Elect).
Un des éléments frappants à l'écoute d'Electrelite, c'est qu'à l'évidence, à aucun moment, il n'y a une volonté de coller à un son " actuel " (à supposer que ça veuille dire quelque chose). Un vrai travail sur le son donc, mais avec des guitares, des batteries, des instruments trafiqués, mais " authentiques ". À noter à ce sujet l'utilisation maline et décalée d'un clairon sur Surprised inside the Black Hole ou de violons sur l'instrumental White Blood, qui constitue un des points culminants de l'album, avec une montée en intensité terrible de chez terrible. Ajoutez à ça des guitares souvent jouées avec très peu d'attaque et aux sonorités orientalisantes, des breaks toujours très inspirés et inventifs, et vous obtenez un disque qui associe avec bonheur groove, rock et atmosphères mélancoliques.
Les références y sont nettes : elles se situent fin des années 70, début des années 80. " On a découvert la musique avec certains disques, on a grandi avec ça, et on les écoute encore aujourd'hui, le temps ne joue pas du tout là-dessus. Pour beaucoup de gens, c'est un problème, parce que si tu ne suis pas ce qui se fait dans l'actualité de la musique, tu as peur de passer pour un has-been. Trop souvent, on préfère suivre tout le monde et faire une musique qui ne plaît peut-être pas, mais au moins, on n'est pas à côté. "
L'occasion pour Armand Gonzalez, leader d'un groupe français hors normes, de nous parler un peu d'histoire musicale. " Quand tu vois Jesus Lizard et Shellac, et que tu connais leurs influences, tu t'aperçois que c'est les mêmes que nous. Alors en France, comme certains journalistes n'ont pas une très bonne culture musicale, ils ne réfléchissent même pas à cette éventualité, et on te dit que tu es influencé par Jesus Lizard. Mais écoute un peu la voix de Johnny Lydon sur les disques de PIL et la basse des Stranglers, et tu comprendras les influences de Jesus Lizard, dont certaines sont aussi les nôtres. Tout le monde est influencé, et c'est normal, mais en France on nous balance toujours ça dans la gueule comme si c'était un crime. Prends l'exemple de Massive Attack : quand tu entends un disque de Dr Alimentado sorti dans les années 60, et que Massive Attack l'a pompé littéralement, sans le citer sur la pochette... personne ne le dit jamais. En même temps, on ne peut pas reprocher aux gens de ne pas connaître toute l'histoire de la musique, mais il faut penser à relativiser tout ça. On prend certains groupes pour des gens qui révolutionnent tout, alors que c'est simplement lié à un manque de culture musicale. Par contre, ces quatre groupes là, c'est tous des artistes qui n'hésitaient pas à prendre des vrais risques, et qui ont réellement apporté quelque chose. "...



Talking Heads, Fear of Music
C'est le premier disque qui m'ait mis une grosse boîte. Mon grand frère écoutait ça, et à onze ans, quand je l'ai entendu, je ne savais pas ce que c'était, mais j'étais fasciné.
Une chanson comme Drugs, c'est une énorme claque. Et la voix de David Byrne, hyper dérangée, associée à ces paroles flippantes, c'est hallucinant. " I'm charged up... electricity ". Et la pochette, toute noire, avec ce titre : Les Têtes Parlantes... Peur de la Musique. Quand tu imagines ça à onze ans, c'est tout un univers délirant.
Comme ça date de l'époque où les vinyles étaient prédominants, le disque est conçu avec deux faces distinctes. Et la deuxième face de Fear of Music... c'est monstrueux. C'est un peu : " t'as entendu la première face, ça te plaît ? Alors maintenant tu vas tourner ton disque et tu vas vraiment rentrer dans ce qu'on fait. "
Un autre élément important de Talking Heads, c'est qu'avec des morceaux comme Zimbra, je me suis aperçu que David Byrne était un mec qui n'hésitait pas à aller chercher des musiques un peu partout dans le monde pour les intégrer à la sienne. C'est une démarche qui m'a décomplexé pour mélanger certains trucs qui n'ont rien à voir. Mais pour comprendre ça, il faut écouter un disque des dizaines et des dizaines de fois.
Il y a tellement de petits arrangements qui se superposent, des phrases musicales qui se répondent de partout : un énorme travail sur la composition, des tas de petites structures à l'intérieur de la grosse structure. Avec en plus la production de Brian Eno. Entre 78 et 81, quand Brian Eno touchait quelque chose, c'était vraiment de l'or.


Devo, Are We not Men, We are Devo
Un autre disque produit par Brian Eno, mais dans un registre très différent. Il avait vraiment le truc pour découvrir le talent, dans tous les styles de musiques. Il voyait le potentiel là où les autres ne voyaient rien. Quand tu entends les démos des disques de Devo, c'est loin du compte, mais lui, il avait vu tout ce qu'il pouvait y avoir dedans.
Cet album, c'est mon album punk en quelque sorte. Tout le monde a ses disques " punk " à un moment, ce côté décharge d'énergie : que ça soit Sex Pistols, AC/DC, ou Rage Against The Machine. Et pour moi, c'était Devo. Déjà avec une pochette comme ça : la gueule du mec, son gant Mappa... les trois autres sur le dos de la pochette avec le bas sur la tête.
En même temps c'est des vrais musiciens (pas comme nous), mais totalement fracassés. Ça commence avec Uncontrollable Urge avec de la distorsion, des trucs à l'envers, une énorme inventivité sur le son, complètement barge. Et zéro complexe, avec des choses qui n'ont aucun rapport les unes avec les autres, des trucs trafiqués complètement débiles. Et là aussi, une voix complètement barrée. En plus, il y a le côté très dissonant dans les guitares, associé à un jeu très sec. C'est super efficace.
Et bien sûr, il y a la reprise de Satisfaction des Rolling Stones par Devo, c'est la meilleure reprise que j'aie entendue de ma vie.


Joy Divison, Unknown Pleasures
Une fois que j'ai entendu Pornography (The Cure), ça m'a poussé à découvrir des choses dans cet esprit-là, et un jour je suis tombé sur Joy Division... là aussi, c'est un groupe qui a vraiment marqué quelque chose. Autant des choses comme Siouxsie & the Banshees paraissaient importantes à ce moment, avec leur look très travaillé, mais ont très mal vieilli, autant Joy Division, c'est un groupe qui restera toujours. D'ailleurs, quand tu les voyais, leur dégaine n'était pas du tout travaillée, ça faisait bon prolo anglais... Mais du côté de la musique par contre... Si Pornography était noir, Joy Division était plus noir que noir, comme sa pochette. Ce disque crée vraiment une atmosphère glauque, tendue, impossible à écouter autrement que seul : les émotions qu'il procure n'appartiennent qu'à toi.
Et les mélodies de guitare de Bernard Dicken, avec cette ligne de basse qui tourne en permanence. Pratiquement pas d'accords de guitare, mais un jeu très nerveux, parfois bruitiste, et toujours très tendu. Un Albini avant l'heure pour ce qui est du jeu de guitare. En même temps, et c'est ce qui est formidable, eux, c'était pas du tout des " musiciens ". C'est directement l'héritage du punk. Tu sais pas jouer, tu fais des pains en permanence, mais tu fais des chansons, et la magie est là. Tu fais des disques énormes en étant nul ! Ça aussi, c'est décomplexant, venant d'une ville où le seul musicien qui a le droit d'exister, c'est celui qui fait des gammes, qui sait lire une partition et qui fait huit heures de technique par jour. Mais avec des disques comme celui-là, tu peux jouer des choses, en étant nul. T'es pas batteur, c'est pas grave, tu peux jouer de la batterie. Et Joy Division, c'est exactement ça. On joue avec peu de moyens. C'est un fonctionnement qui provoque la créativité : quand tu n'as ni la technique ni le son, il faut bien trouver les mélodies et les arrangements qui tuent pour être intéressant : et ça, ça n'a rien à voir avec la maîtrise de l'instrument, ça se passe dans la tête. Il s'agit uniquement de trouver l'émotion. C'est la lo-fi avant l'heure, une lo-fi noire.


Public Image Limited, First Issue
PIL, c'est spécial. La discographie de PIL est tarée. Ils passaient d'un album à l'autre sans se poser aucune question. Tu retrouves du reggae, des sons de basse impressionnants... Comme dans Devo, il y a un côté détraqué de la composition, pas de règles, une voix complètement barrée. C'est déjanté, à côté de la plaque...
Il faut pas oublier que Johnny Lydon a fait First Issue un an après les Sex Pistols ! Une évolution énorme, un changement de cap total, mais en même temps il reste crédible. Et comme David Byrne, il n'hésite pas à mélanger des choses qui n'ont aucun rapport a priori. Et grâce à ça aujourd'hui, on n'a plus aucune hésitation quand il faut utiliser un effet et y aller à fond par exemple.