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L'Oeil électrique #5 | Musique / Natacha Atlas

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Par Soraya Morvan.
Photos : Lionel Boscher.

Natacha Atlas, n’est pas une petite fille manucurée qui porterait Caterpillars et débardeurs "montre-moi donc ton nombril". Elle ne garde pas non plus la boule de cristal d’un mystique Transglobal Underground. Ce serait plutôt le contraire. Une diva un poil kitsch, excitée comme une puce, maquillée comme une voiture volée, et toujours à la limite de brailler comme une charretière. La féminité ravageuse, quoa... Et avec ça, une crème, de la pure gentillesse. Elle parle un français peaufiné en Belgique et un peu oublié depuis. En l’an nonante huit, elle revient souvent à ses expressions so british... en roulant les "r". On appréciera tout de même l’effort. À côté de ça, à l’écouter parler musique, religion ou paix, on voudrait la lire plus souvent dans les colonnes.

En France, vous êtes assez connue, et c’est un public aussi bien rock que de variété qui vous écoute...
ça vient en partie de Transglobal, parce que j’ai commencé avec eux. Et puis j’ai fait mon truc solo avec mes influences arabes, d’origine égyptienne... (et maintenant ça va aller plus vers l’orient qu’autre chose, parce que le nouvel album a été enregistré pour moitié là-bas, avec des musiciens égyptiens et Mica Sabit. Il est moitié Égyptien, moitié Anglais, et il fait de la musique charbi (la "pop" égyptienne), style Transglobal, un peu moderne. On vient de se rencontrer, et donc maintenant on veut travailler ensemble vers ce mélange de Moyen-Orient et d’Occident). On mélange les genres.

Mais vous avez toujours un public plutôt rock qui vous suit.
ça dépend où tu vas : j’ai fait une télévision au Liban, c’était pas pareil, le public voulait mon côté variété. Mais enfin maintenant, avec Transglobal, c’est davantage un public rock, c’est différent.

...ce qui vous permet de vous produire en première partie des anciens Led Zeppelin par exemple. D’ailleurs, c’est plutôt étonnant. Comment ça s’est passé ?
Ils nous ont demandé si on voulait faire une tournée avec eux. Il y a un an, ils sont venus nous voir, à un concert de Natacha Atlas, et à un concert de Transglobal Underground. Ils aiment bien la chaleur arabe, en fait ils adorent la musique marocaine, égyptienne, et tout ça. Alors ils ont trouvé notre disque, et puis ils sont venus nous voir, et voilà, on s’entend bien.

Ce qui montre une certaine reconnaissance de ce milieu-là. Comment ça se passe en Grande-Bretagne ?
Pour nous, c’est très nouveau de faire quelque chose dans ce domaine très, très rock. En fait, on a commencé à Glasgow et Manchester. Il y a des gens qui nous ont vus pour la première fois, et c’était très spécial pour eux, parce qu’en fait, aller voir Led Zeppelin, c’est chercher des chansons des années soixante et septante. Dans leur tournée, il y a une seule chanson avec des influences arabes, mais en gros c’est un set rock. Alors le public qui vient voir ça, il vient voir le Led Zeppelin des années septante, pas autre chose. Nous, on joue devant un public tout nouveau.

En Grande Bretagne, comment êtes-vous perçue en comparaison avec la France ?
Transglobal a un bon public, oui, mais pas Natacha Atlas. C’est trop arabe pour eux.

Et dans le reste de l’Europe ?
Oui, c’est mieux. C’est mieux en France qu’ailleurs, mais maintenant ça commence à marcher au nord de l’Afrique : Tunisie, Maroc... Je passe beaucoup à la radio, ils me demandent de venir là-bas pour faire des concerts, y compris au Liban et en Jordanie.

Vous avez dit quelque part que les britanniques ne comprenaient pas l’émotion du chant, je n’ai pas très bien compris...
Ils ne sont surtout pas très attirés par ce qui est arabe. Ils sont plus proches de la musique bangra indienne, et anglo-indienne, mais anglo-arabe, c’est pas leur truc, alors que la France et la Belgique ont des liens culturels forts avec le monde arabe. Ca va prendre un peu de temps avant qu’ils s’habituent à ces sons-là, en Angleterre. Ils n’y sont pas encore habitués.

Ce qui explique que des groupes comme Cornershop se débrouillent bien et que Natacha Atlas ait plus de mal à entrer sur le marché anglais.
Oui, parce que comme je dis, il y a beaucoup d’Indiens et de Pakistanais. Ils sont tous plus proches de cette musique kawali, indienne, pakistanaise que de la musique arabe. Et il y a toujours un peu d’intolérance : ils ne comprennent pas très bien la culture arabe : pour eux c’est toujours Saddam Hussein, il ne voient pas plus loin que ça.

Vous racontez d’ailleurs que la brit-pop est raciste.
Oui, elle est raciste. C’est une phrase forte. J’ai dit ça parce que la brit-pop n’incluait rien d’autre. C’était une histoire de blancs qui faisaient de la pop britannique. Des guitares, toujours pareilles. La brit-pop devenait l’unique musique rock britannique, et écrasait le reste. Elle écrasait le mélange culturel. à ce moment-là, en 93-94, il y avait une vague de brassage culturel qui émergeait. Transglobal Underground était là, et il y avait d’autres groupes. Les Anglais voulaient vendre de la musique aux Américains, alors il fallait qu’ils inventent quelque chose. La brit-pop était appropriée pour détruire ce métissage et prendre de la place dans le truc.

Pourtant, vous n’avez pas refusé de faire l’émission "Top of the pops"...
ça, c’était dans la vague de brassage. On y était, dans cette vague-là. Après que la brit-pop ait écrasé tout ça, on ne voyait plus de chanteuses indiennes, on ne voyait plus rien. Le Global Sound, c’était un peu mort. Maintenant que la brit-pop est en train de mourir, on a des groupes comme Asian Dub Foundation qui reviennent. Les gens veulent quelque chose d’autre.

Vous en faites partie, de ce Global Sound ?
Transglobal appartient à ce "mix" culturel. Natacha Atlas un peu moins, et pas pour les Anglais.

Vous avez eu un enseignement très traditionnel, votre professeur s’appelait Essam Rashad...
C’est mon oncle. C’est un compositeur et un joueur d’oud. Il a habité 20 ans en Angleterre. Il y a 3 ans, il est retourné en égypte avec moi. Depuis, il est toujours en égypte. Il travaillait dans les années 50 et 60 sur la musique arabe et égyptienne. Et tout ses acquis sont très classiques. Moi, il m’a appris quelques trucs, mais je dois encore beaucoup travailler. Il nous a appris, à tout le groupe, beaucoup de choses sur les gammes arabes et la construction des chansons. Il a même travaillé sur le dernier album : on est allé au Caire en mars, pour travailler sur mon troisième album. (Maintenant, on a des difficultés pour l’amener avec nous à Londres, il a un problème de Visa parce qu’il est resté trop longtemps sans régler ses papiers. Alors on va là-bas pour travailler avec lui). Il a aidé Tim (Garsaayid, qui participe beaucoup à la composition des chansons) à faire des arrangements, des trucs comme ça. Parce qu’il y a deux ou trois titres assez classiques, et des chansons du style charbi, qui est la musique moderne, la pop music de l’égypte.

Mais qu’est-ce qu’il apporte concrètement ?
Ca se passe très différemment selon les chansons. Sur les "très classiques", comme Kifaya, il aide aux arrangements. Tim compose (au clavier) des arrangements arabes, avec des gammes arabes. On va alors chez mon oncle qui corrige les erreurs. Ensuite, il réécrit la musique pour qu’on puisse la faire lire aux musiciens arabes. Une fois, Tim a écrit 5 pages à peu près pour une chanson de 10 minutes. Mon oncle l’a condensée en 2 pages d’écriture pour que les musiciens ne demandent pas plus d’argent : 2 pages à payer, ça va encore ! Alors voilà, mon oncle nous a aidés comme ça, et puis il a fait les arrangements en général. Mais pour les autres chansons comme Mistaneek et Aqaba, et Malabeya, (J’ai fait tout ça sur un clavier, et Hamid a fait le rythme), on a envoyé ça à la maison de disque en égypte. (La maison de disque est faite d’une famille dont je suis devenue très proche, parce qu’ils ont presque le même mélange que moi. C’est une famille très métissée. Le fils est moitié anglais, moitié égyptien, on s’entend très bien. Sa femme est moitié vénézuélienne, moitié hollandaise). J’ai envoyé les cassettes chez eux, et ils ont trouvé quelqu’un qui pouvait arranger ça, avec le son charbi. On est parti là-bas. Tous les enregistrements ont été faits avec le type qui avait fait les arrangements, plus nous les compositeurs, Essam mon oncle, la maison de disque, et mes amis.

J’aimerais qu’on parle de vos influences : entre autres, Oum Kalsoum et Halim, que vous écoutiez tout à l’heure, que vous ont-ils tous apporté ?
Halim et Oum Kalsoum et tous les gens de cette période-là, c’est une musique très classique. La musique charbi de maintenant, c’est des chansons de 5-6 minutes, alors que celles d’Halim faisaient 20 minutes, c’était autre chose. C’est une période pleine d’émotion, ça me rappelle mon enfance, et des vieux films égyptiens : avec Oum Kalsoum, avec Halim, des films de Chabia, de Ham Meman, des films romantiques. Cette musique-là sonne "nostalgique". C’est très différent de la musique charbi, la musique de Halim est plus complexe que la musique charbi. Il y a beaucoup de force dans cette musique. Mais pour beaucoup de gens, il y a plus de sensibilité et d’émotion dans cette musique, plus de nostalgie.

Vous m’avez parlé de films que vous regardiez étant plus jeune. Quel rapport avez-vous aujourd’hui avec le cinéma, et l’art en général ?
Je n’ai pas beaucoup de temps, en fait. J’ai le temps, dans le bus, de voir des vidéos, de nouveaux films européens ou américains, et normalement je prends avec moi des vieux films. J’ai Rumor of Love, avec Souâd Ozeni, et Omar Sharif, quand il était très jeune. C’est une comédie romantique, avec Inda Lawston, qui était LA Marilyn Monroe de l’égypte. J’ai un documentaire sur Halim qui est passé sur la BBC, et à la fin de la cassette, il y a un documentaire sur Cheb Mami. Et c’est tout, vraiment. Je n’ai pas le temps d’aller aux expos... J’ai un livre avec moi en ce moment, qui s’appelle Act of god et qui raconte des histoires mystérieuses, et les liens entre les histoires religieuses, mais je viens seulement de le commencer..

Vous avez rencontré Peter Gabriel, c’était pour Realworld ?
Il voulait me signer il y a quelques années sur son label, et puis il y avait Beggars Banquet, aussi... Mon avocat m’a conseillé d’aller avec Beggars, parce que Realworld a une licence Virgin, et sans Virgin, ils ne peuvent pas exister. Mon manager et mon avocat, je les paie pour faire un boulot, alors si je n’écoute pas leurs conseils, je les paie pour quoi ? Peter Gabriel nous a invités quand même avec Transglobal, au "World Week". On était là, avec PLEIN de gens connus, il y avait peut-être 50 personnes, mais je ne me rappelle plus qui. On a enregistré des chansons, mais Peter Gabriel n’en a rien fait pour l’instant. Chaque fois que je le vois, il me dit qu’il n’a pas encore eu le temps de faire tout le mixage. C’est vrai qu’avec 50 personnes, il faut prendre beaucoup de temps pour ça. Mais je n’ai jamais eu la cassette de ce qu’on avait fait. Si je ne l’ai jamais, ce n’est pas très grave. On a passé une très bonne semaine, et pour moi, c’est tout ce qui compte.

Vous avez eu une période punk, aussi, comment est-ce possible ?
Je ne suis pas toute seule dans ce cas. Je connais un rappeur, moitié saoudien, moitié anglais, qui a aussi eu sa période punk. C’est juste que moi, j’avais 17 ans, et j’ai teint mes cheveux en orange. Mais je n’aimais pas vraiment la musique punk, j’aimais mieux la musique psychédélique. J’habitais dans la même ville que Bauhaus, c’était des amis, alors j’étais plus proche de cette musique que du punk. Pour mes cheveux, ma mère m’a dit plus tard : "C’était vraiment dégueulasse, mais tu croyais que c’était très REBELLE". Et oui, j’étais une rebelle ! (Elle rigole comme une gamine). Et maintenant je suis très conservatrice : Plus je vieillis, plus je deviens égyptienne, et plus je deviens conservatrice ! (Elle rit toujours).

Vous avez aussi dansé dans des boîtes arabes, ça n’était pas trop fermé comme milieu ?
Si, c’était très fermé ! Alors quelle surprise quand un jour, je suis tombée dans une boîte latino-américaine et salsa. Cette liberté, wild fever, que je n’avais jamais vue avant, c’était incroyable. ça m’a beaucoup attirée pendant quelques années.

Et le fait de danser, ça n’était pas dégradant, par rapport à vos origines ?
Oui, il y a toujours un combat avec ce que je fais. J’adore danser, alors, bon. Mais pour les Arabes, si tu es une danseuse, tu n’es pas respectable... à moins que tu deviennes célèbre. Quand tu as atteint ton but, là on te respecte. C’est une contradiction, comme il y en a beaucoup au Moyen-Orient...

En fait, j’ai fait un concert avec Hakim, pour Arte, et normalement dans mon show, j’enlève mon gallabeh, et je danse. Pour les gens en Europe, ce n’est pas un problème. Alors avec Hakim, je lui ai expliqué comment se déroulait mon spectacle. Il m’a dit qu’il préférerait que je reste habillée complètement, et que je ne danse pas comme ça. Il m’a dit : "Pour moi, tu es une artiste chanteuse, tu n’es pas une danseuse", il a voulu avoir une cassette vidéo pour la montrer, donc, il m’a dit que ça troublerait les gens de me voir comme ça, qu’il ne fallait pas tout confondre. Pendant le spectacle, j’ai vu des gens dans la salle qui attendaient que je danse, et je ne pouvais pas le faire, je devais respecter mon invité. Lui, il n’est pas encore habitué à toutes ces libertés. Il voudrait percer en Europe, mais il ne sait pas encore tout ce qu’on peut faire. Alors j’ai respecté.

On parle de mysticisme quand on évoque votre musique, n’en fait-on pas un peu trop ?
Il se trouve qu’on garde le stéréotype de l’orient en occident. Les gens collent facilement une étiquette mystique. Mais en France, il y a Cheb Mami, il y a Khaled, Faudel, Rachid Taha...

Et votre musique, est-elle le pendant du raï en France ?
Absolument, il y a beaucoup de rapports avec ce nouveau raï. Rachid Taha a fait du nouveau raï, comme moi. J’aime bien cette appellation de "nouveau raï", plutôt que le nom de Global Sound, parce qu’avec tout le rythme arabe, c’est plus fusion que dance ou hip-hop. Pour revenir à cet aspect mystérieux, il existe peut-être parce que je suis la seule femme : à part Amina et Sapho, je suis la seule. Il n’y a pas beaucoup de femmes.

Vous avez dit que Paris était la capitale de la world music, est-ce parce que le raï est particulièrement bien accepté en France ?
De ce que j’ai vu des musique africaines, arabes et autres, les Français sont beaucoup plus chaleureux. On peut entendre une chanson à consonance world, qui soit parmi les 5 premières du classement en France. JAMAIS en Angleterre ! Les Français sentent la musique, ils sentent le morceau, ils sont plus sensibles que ces pauvres Britanniques. Je suis très frustrée avec les Anglais : ils peuvent reconnaître trois notes d’un accord à l’oreille, mais ils ont les "oreilles plates" (c’est un médecin-professeur musicologue qui a dit ça, j’ai trouvé ça très drôle), c’est-à-dire qu’ils ont des oreilles... primitives, ils ne peuvent pas aimer beaucoup de choses. Mais avec le bangra, et Asian Dub Foundation, c’est en train de changer.

Vous avez quelques réticences à parler de vos origines plurielles, qui font votre richesse, et celle de votre musique, pourtant...
... oui, parce que c’est compliqué, dans le monde arabe, et que mes disques sont diffusés par EMI Arabia et ils m’ont demandé de moins parler de ça, parce qu’il y a des problèmes : par la religion, par mes origines. J’ai du sang juif de mon père, j’ai du sang musulman de mon arrière grand-père. EMI essaie de me diffuser là-bas, en Arabie Saoudite, dans le Golfe, au Liban. La patronne m’a demandée de ne plus parler de mes origines juive et musulmane mélangées. Il faut parler de choses plus simples, sinon, ça sera très difficile pour moi de jouer là-bas. Les gens lisent parfois la presse internationale, et appellent le label pour vérifier. Dans certains endroits du monde, c’est très dur de voir que des gens ont des problèmes avec les origines plurielles. Mais j’ai envie de rentrer dans ce marché, alors je vais un peu suivre les règles.

...comme quand vous passez de l’Angleterre à l’égypte. N’est-ce pas trop pénible, toutes ces adaptations ?
C’est plus facile maintenant en Égypte parce que j’ai rencontré cette famille métissée. En septembre prochain, je vais vivre avec eux en Égypte, alors maintenant que je les ai trouvés, ces gens avec un pied dans l’orient et un autre en occident, je peux mieux m’adapter. Parce que c’est plus progressif. Un jour on parle arabe, un jour espagnol, un jour français, et un autre anglais...

Vous avez peut-être rencontré une certaine intolérance en égypte, sachant que vous avez une culture européenne...
Il y a beaucoup de gens qui veulent être européens, ou américains, ils veulent manger à Mac Donald, ils veulent tout ce qui brille : être libre, avoir de l’argent, tout ça. Il y a quinze ans, il n’y avait pas ça. Il y a des restaurants où on trouve des jeunes habillés comme aux états-Unis, ils parlent en mélangeant l’égyptien avec de l’anglais ou autre chose. C’est un peu faux, c’est les "nouveaux riches" égyptiens. Ils veulent être alignés avec l’occident.

Et c’est la télé qui a ramené tout ça ?
Oui MTV, tout ça, des images fausses.

Est-ce que votre culture et votre statut d’artiste vous donnent des responsabilités particulières ?
Il y a des chansons où je parle de ça. Dans le nouvel album, j’ai fait un rap un peu politique. Et ça, pour EMI Arabia, c’est proscrit. Parce que je parle de la liberté, je dis qu’il faudrait réfléchir aux raisons pour lesquelles on ne peut pas faire ci ou ça. Je parle des religions, des systèmes politiques... j’attaque un peu le "système". À la fin j’appelle le Dieu qui nous unit avec sagesse. En Arabie, ça, ça ne passera pas.

Bon, mais aller plus loin en politique, comme quand l’ONU vous a proposé de jouer à Sarajevo...
Ah oui, on l’a fait ! On a joué à Sarajevo. Pour eux, c’était très important que Transglobal vienne. Et c’était encore plus important que moi, je vienne, parce que j’étais un symbole pour eux, de leur "truc" : leur côté musulman, de l’est, et occidental. Ils voulaient réunir les peuples. Le président, qui parle très bien l’arabe, et l’ambassadeur de l’ONU en Bosnie, voulaient qu’il y ait toujours un mélange, une fusion des 2 cultures. Ils ne voulaient pas d’une coupure, mais d’une richesse. D’autres groupes sont venus. Ils ont tout fait pour qu’on vienne. Au départ, j’avais refusé parce que je jouais le lendemain à Palerme, et j’étais très fatiguée. Alors l’ambassadeur a dit : "On va faire en sorte pour que ça se passe bien, je vais te prêter mon avion personnel. On va arranger ça, mais c’est très important que tu participes, car tu es le symbole des 2 choses, et c’est la raison de ce festival". Quand je suis arrivée (j’étais crevée comme tout, j’avais pas dormi de la nuit), j’étais très heureuse de voir ce "Sarajevo". C’était très étonnant, on voyait que tout était détruit, enfin beaucoup de choses, mais c’est un superbe endroit, il y a grande une richesse là-bas.

Quelle place a la religion dans votre quotidien ?
Je fais le ramadan, mais c’est presque impossible de faire 5 prières par jour. Normalement, je fais une sorte de prière quand je peux (en Égypte, c’est plus facile : on peut avoir le Coran 24 heures sur 24 à la radio), et loin de l’Égypte, je prends ma cassette du Coran, je la mets dans le bus, je dérange les gens avec, mais ils sont gentils, ils me laissent.

Gardez-vous tout de même, une certaine distance au culte ?
Heu... Je n’ai plus de lien avec Peter Murphy du groupe Bauhaus. C’est un Musulman, qui habite maintenant en Turquie et qui est marié avec une femme turque. C’est un pur Anglais qui est devenu Musulman. On a discuté ensemble de l’islam, et ses idées sont beaucoup plus soufi qu’autre chose, mais il fait 5 prières par jour, lui ! En tout cas, on est tombés d’accord sur le fait que l’islam est quelque chose de très personnel, c’est "entre moi et Dieu", ça ne concerne personne d’autre. J’ai des amis en Égypte qui ont aussi un point de vue très progressif sur l’islam, et ça n’a rien à voir avec les idées des "autoritaires". Ça évolue avec les générations suivantes, en prenant avec philosophie, par exemple, ce qu’il y a en occident. Certains croient des choses qui auraient été dites par Mohammed, près de 300 ans après sa propre mort. Pour moi, c’est bullshit, tout ça. J’ignore ça. Avec mes idées soufi, il y a beaucoup de conservateurs qui pourraient m’appeler hérétique ! Ils diraient ça de mon ami aussi.

Ce sont plutôt des "politiques", ces gens-là, finalement...
Oui, mais là-bas, c’est tellement mélangé ! C’est ça le problème. La religion et la politique sont très entrelacées.

Et les règles de vie sont aussi bâties sur la religion...
Oui, et il y a des gens qui deviennent ce que j’appelle des "musulmans cosmétiques". Ils ont pris cette religion en l’ont transformée en "apparences" et en "comportements" finalement assez éloignés du fond. Au nord de l’Angleterre je vois des gens originaires de Jamaïque, du Pakistan qui sont fondamentalistes. Ils ne regardent pas les femmes dans la rue, et pour eux c’est l’islam. C’est tout et n’importe quoi. Voilà le genre de comportements "cosmétiques". Il y beaucoup de gens comme ça.

Vous vous sentez concernée quand vous voyez les intégristes ?
Oui ça me concerne parce que pour moi, c’est le cœur de l’islam. C’est très simple : le mot "Islam" veut dire "Soumission à Allah". J’aime mieux dire "Reconnaissance". On se soumet, on reconnaît le grand, l’unique Dieu. Mohammed, Jésus et Ibrahim, c’était des prophètes. La source, c’est Allah, et c’est tout. Si on reconnaît Dieu, ou si on s’y soumet, on est musulman. C’est aussi simple que ça. Et les gens compliquent tout : on doit porter ça, aller ici, écouter ça, porter ci. C’est très cosmétique. Apparaître de telle manière, porter telle chose pour la religion, c’est ridicule. Les femmes aussi, elles pensent que si elles portent un voile, ce sont de bonnes Musulmanes. C’est pour ça que j’appelle ça l’islam cosmétique, c’est seulement visuel.

On parle de religion, et il y a depuis longtemps un conflit en Israël/Palestine. Vous sentez-vous impliquée, vous qui avez, entre autres, vécu en Palestine ?
Il y a quelques temps, j’étais très motivée par ce problème-là. Mais maintenant... J’ai connu un ami palestinien à Londres. Ce n’est pas qu’il avait perdu l’espoir, mais il n’était plus impliqué là-dedans... Parce qu’il y a un pas de fait et ça commence à être bien, et puis il y a un désaccord et tout est re-détruit, et puis à nouveau un pas un avant est fait... Moi j’en ai marre, aussi : de voir que Rabbin a été tué, que tout s’est cassé la gueule après ça... C’est drôle, parce qu’il y a beaucoup de trucs en commun entre les Israéliens et les Arabes. On a tous été des nomades, et même la langue est assez proche : Rabina, ça veut dire Dieu. Et le nom Rabbin vient de cette même origine. C’est le même bloody word ! Mais je suis vraiment blessée par ce conflit. Je ne sais plus quoi dire de la situation.

Et de voir les États-Unis qui s’en mêlent, ça vous agace ?
Bien sûr ! Mais quelqu’un doit le faire. Il y a toujours quelqu’un qui s’en mêle. Il doit y avoir un médiateur qui se met entre eux pour parler. Les États-Unis sont très forts pour se mêler des affaires des autres. C’est quelque chose qu’on n’a pas.

Quels sont vos projets ?
Je retourne en Égypte pour bosser avec Mica. Il fait ce mélange de charbi et de global. C’est du Transglobal, avec les rythmes et le son égyptien charbi. J’ai entendu ce qu’il fait, j’aime beaucoup. Lui, il va travailler avec Sidi Hamid pour ma musique et la sienne.

Oui, je retourne en Égypte, l’année prochaine.