Fabrice Neaud : Journal (III)
Ego comme x, 374 pages, 149 francs
Ce Journal (III), troisième volet d'un journal intime tenu sous la forme d'une bande dessinée, apparaît comme une œuvre atypique. Par son sujet tout d'abord : Neaud raconte sa vie de façon frontale et crue (son homosexualité, sa situation précaire), au risque parfois d'indisposer. Car il ne cherche pas à séduire le lecteur et se contente d'exposer d'une manière exhibitionniste et masochiste sa vie au regard des autres. Si l'impression laissée par la lecture des deux premiers tomes du Journal était assez traumatisante, le troisième, quant à lui, marque une certaine évolution par rapport aux précédents : beaucoup plus volumineux (374 pages) et d'une écriture devenue plus complexe ; Fabrice Neaud dépasse désormais sa propre expérience pour adopter un ton plus réflexif sur les rapports humains qui enrichit la portée esthétique de son œuvre.
L'autre originalité de ce Journal réside dans sa forme. Si la narration adopte logiquement le style classique d'un journal intime, les images sont, elles, tantôt totalement illustratives par rapport au texte, tantôt très métaphoriques. Souvent texte et dessin ne coïncident pas ; il en résulte deux niveaux de sens, qui se rejoignent ou au contraire s'affrontent, et parfois même évoluent de manière parallèle, contribuant ainsi à donner à l'œuvre une dimension poétique lorsque le dessin s'affranchit complètement du texte pour se faire soudain très abstrait.
Le Journal de Fabrice Neaud est une œuvre à la fois picturale et cérébrale, émouvante, bouleversante parfois, souvent proche de la neurasthénie, mais qui tend de plus en plus à l'universalité. Ce troisième tome finit par trouver in extremis un épilogue optimiste quoique probablement éphémère - car rien n'indique vraiment que la dépression soit derrière lui. Un tome IV est d'ores et déjà annoncé.
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