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L'Oeil électrique #14 |

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4livres

Albert Londres : Tour de France, tour de souffrance
1924, Le serpent à plumes
Traduit de l’américain par Bernard Hoepffner.

Dans l’entre-deux guerres, Albert Londres écrit une série d’enquêtes qui ont pour point commun de dénoncer les violences que subissent les êtres humains, comme les Juifs d’Europe de l’Est dans Le Juif errant est arrivé, les aliénés dans Chez les fous ou les prostituées dans Le chemin de Buenos Aires ; ses prises de position humanistes, la qualité littéraire de ses reportages qui se lisent comme des romans, son regard subjectif assumé, plein de tendresse pour les gens qui souffrent, sont devenus des références en matière de journalisme et font de lui le père du grand reportage. En 1924, il se penche sur le monde du sport en suivant les étapes du Tour de France qu’il baptise "tour de souffrance". Ses articles, publiés alors dans Le Parisien, tout en présentant le déroulement de cette épreuve, s’attardent sur les affres du cyclisme de compétition : le dopage, la surenchère des performances, les risques mortels de chute et le ras-le-bol des coureurs. Mais Londres s’intéresse surtout aux sportifs, et nous brosse le portrait ambivalent de ces héros modernes, à la fois "géants" invincibles et "petits gars" vulnérables ; ils nous apparaissent tour à tour comme des "artistes de la pédale", entièrement dévoués à leur passion du vélo, et comme des "forçats de la route", révoltés contre les conditions de la course, ses règles et son organisation. Enfin, le reporter prend la peine de les découvrir en tant qu’individus – séducteurs, pères, maris, frères, amis – avec une sympathie non dissimulée. Feignant d’être un Candide lâché dans le monde du sport, il met en relief, par ses observations faussement naïves, la brutalité du public, l’avidité de ses confrères, l’absurdité du règlement, qui constituent autant de tortures supplémentaires pour le cycliste. Ce Tour de France, si bien qualifié, puisque souffrance signifie à la fois "endurance, capacité de supporter quelque chose de pénible", et donc aussi "douleur", nous présente, au-delà de la beauté du spectacle de la résistance physique, toute sa cruauté. Quand la dernière étape s’achève, reste un malaise face au principe même de la compétition, qui semble assouvir, non pas notre intérêt pour le sport, mais plutôt notre fascination morbide pour la souffrance érigée en divertissement populaire. Le regard attendri que Londres a porté sur chacun de ces gladiateurs modernes nous pousse à nous demander s’il n’a pas trouvé dans le Tour de France une des formes d’oppression de l’homme qu’il s’attachait à dénoncer.

Tanitoc.

EXTRAIT

Le reporter s’arrête dans un café pour discuter avec deux coureurs, les frères Pélissier, qui ont décidé d’abandonner.
"Les Pélissier n’ont pas que des jambes, ils ont une tête et dans cette tête, du jugement.
– Vous n’avez pas idée de ce qu’est le Tour de France, dit Henri, c’est un calvaire. Et encore, le chemin de croix n’avait que quatorze stations, tandis que le nôtre en compte quinze. Nous souffrons du départ à l’arrivée. Voulez-vous voir comment nous marchons ? Tenez…
De son sac, il sort une fiole :
– ça, c’est de la cocaïne pour les yeux, ça c’est du chloroforme pour les gencives…
– ça,
dit Ville, vidant aussi sa musette, c’est de la pommade pour me chauffer les genoux.
– Et des pilules ? Voulez-vous voir des pilules ? Tenez, voilà des pilules.
Ils en sortent trois boîtes chacun.
– Bref !
dit Francis, nous marchons à la "dynamite".
Henri reprend :
– Vous ne nous avez pas encore vus au bain à l’arrivée. La boue ôtée, nous sommes blancs comme des suaires, la diarrhée nous vide, on tourne de l’œil dans l’eau. Le soir, à notre chambre, on danse la gigue, comme saint Guy, au lieu de dormir. Regardez nos lacets, ils sont en cuir. Eh bien ! ils ne tiennent pas toujours, ils se rompent, et c’est du cuir tanné, du moins on le suppose… Pensez ce que devient notre peau ! Quand nous descendons de machine, on passe à travers nos chaussettes, à travers nos culottes, plus rien ne nous tient au corps […]
Et, de nouveau, les deux frères s’embrassent, toujours par-dessus les chocolats."