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L'Oeil électrique #14 |

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4livres

Jack London : Un steak
1909, Mille et une nuits
Traduit de l’américain par Bernard Hoepffner.

"(La boxe) est inscrite dans notre être aussi profondément que l’est notre conscience et sa texture est identique à celle de nos propres fibres ; elle se développe en nous exactement comme le langage lui-même. C’est une passion instinctive attachée à nos racines." Voilà ce qui paraît dans The National Labor Tribune du 04 août 1910, sous la plume de Jack London(1). Un an plus tôt, un autre journal publie Un steak(2), courte nouvelle qui nous fait monter sur le ring avec Tom King, professionnel au crépuscule de sa carrière qui affrontera Sandel, un jeune boxeur pour qui la victoire signifie tout. London, qui a couvert des combats en Australie, y développe de manière poignante, sans fioriture stylistique, la théorie empreinte de Darwinisme qui parcourt son ouvre littéraire : la vie est un combat où seuls les plus vigoureux survivent. Et si ce pragmatisme féroce, mâtiné de suffisance anglo-saxonne, rappelle l’esprit de Mark Twain, le lecteur y cherchera vainement l’humour de son aîné. Comme ce dernier, London a, à 33 ans, mille aventures derrière lui. Fataliste amoureux de la vie, suicidaire fasciné par l’espèce humaine, force de la nature alcoolique, l’écrivain trouve dans la boxe la parfaite métaphore de la lutte existentielle, de ses angoisses, de ses victoires. Contrairement à Conan Doyle, l’un des premiers à mettre en scène le "noble art"(3), Jack London ne se limite donc pas à une célébration du courage et du talent. Un steak est un manifeste brutal sur la vie, avec des éclairs pathétiques aveuglants.

(1) "Pugilism is an instinctive passion of our race", in Jack London, L’Humanité en marche (10/18).
(2) Saturday Evening Post du 20 novembre 1909, titre original A Piece of Steak.
(3) Rodney Stone, publié en 1896, décrit en détail la vie de trois boxeurs.

Tanitoc.

EXTRAIT

Et lui, il n’avait rien à gagner, sinon trente livres pour payer le propriétaire et les commerçants. Et tandis que Tom King ruminait de la sorte, lentement, il fut envahi par une vision de la jeunesse, une jeunesse glorieuse se dressant triomphante, invincible, avec ses muscles souples et sa peau soyeuse, avec son cœur et ses poumons qui jamais encore n’avaient été fatigués ni déchirés, insouciante des limites imposées à l’effort. Oui, la jeunesse était la fatalité. Elle détruisait les vieux sans être consciente que, par la même occasion, elle se détruisait elle-même. Elle élargissait ses propres artères et broyait ses jointures, avant d’être à son tour détruite par la jeunesse. Car la jeunesse est toujours jeune. Seul l’âge vieillit. Il tourna à gauche dans Castlereagh Street et, trois pâtés de maison plus loin, s’arrêta devant le Gayety. Une foule de jeunes voyous qui traînaient devant la porte s’écartèrent respectueusement sur son passage, et il entendit l’un deux dire à un autre : "C’est lui ! C’est Tom King !" à l’intérieur, sur le chemin du vestiaire, il croisa le secrétaire, un jeune homme aux yeux perçants et au visage ouvert qui lui serra la main.

– Comment ça va, Tom ? demanda-t-il.

– Comme un charme, répondit King en sachant pertinemment qu’il mentait et que, s’il avait eu une livre, il l’aurait échangée sur-le-champ contre un bon steak.