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L'Oeil électrique #15 |

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4livres

Herbert Liebermann : Nécropolis
1976, Points-Seuil
Traduit de l’américain par Maurice Rambaud.

Prenant pour cadre le New-York des seventies Nécropolis propose une vaste fresque sur une mégapole encore marquée par la contestation hippie et l'activisme armé. Mais l'ensemble est surtout construit autour d'une figure centrale, celle du Dr Konig, médecin légiste vieillissant, voué corps et âme au NYPD, le service de police new-yorkais. Overdoses, maltraitances, suicides, règlements de compte, Konig est le témoin privilégié de la barbarie qui frappe sa cité au quotidien, essentiellement celle qui décime l'humanité des bas-fonds. Inlassablement, le légiste boiteux dissèque et radiographie, pour mieux reconstituer les processus de morts violentes qui acheminent les cadavres en cohortes jusqu'à son antre. Depuis des dizaines d'années, l'existence de Konig n'est plus justifiée que par sa fonction de thanatologue et il se retrouve rapidement en marge dès lors qu'il remonte à la surface, dans le monde des vivants. Le personnage est fidèle à cet archétype du flic/privé américain dont la fonction d'enquêteur prend définitivement le pas sur la sphère privée, que le travail, dans sa dimension obsessionnelle, a fini par contaminer. Sans amis, veuf, brouillé avec sa fille unique, les seuls repères du médecin- légiste ne sont finalement plus que les alignements de corps réfrigérés hantant les sous-sols du NYPD. Curieusement, Konig atteint ainsi la dimension d'un personnage mythologique, d'une théâtralité shakespearienne, qui semble condamné à errer d'un pas traînant dans le royaume des ombres et à régner sans partage sur le service nécrologique. Nécropolis apparaît comme une œuvre à la construction rigoureuse, construite sur une dualité entre le monde souterrain de la morgue et celui, grouillant de vie, de la surface. Quand l'extérieur vient se manifester à Konig, c'est uniquement sous la forme d'anatomies pathétiques dépourvues de vie et d'identité. Le légiste n'a désormais accès à la réalité extérieure que sur ce seul mode de communication. Sous cette seule forme, il parvient à comprendre le monde qui l'environne, à le décrypter. Paru en 1976, le roman marque un sommet dans l'œuvre inégale de l'auteur. Une documentation précise, avec des phrases sèches et courtes dans les moments d'accélération : Lieberman écrit son récit comme on filmerait New-York caméra à l'épaule. Avec son montage fiévreux, Nécropolis semble très proche de Taxi Driver sorti la même année. Comme chez Scorscese, les images d'un New-York nocturne et désespéré défilent, enregistrant des relations humaines atrophiées, le tout à travers le regard d'un personnage sans appartenance sociale. Un roman âpre, crépusculaire, charriant un flot de cadavres. Par sa fascination morbide, sa violence urbaine, le tempérament meurtri de son personnage, Nécropolis porte pour partie en germe l'œuvre future de James Ellroy, écrivain incontournable du roman noir américain.

Gianni Ségalotti.

EXTRAIT

Avril est de retour. L'éveil du printemps. Le temps des feuilles d'impôts et le mois des suicides. Finis mars et avril, la saison des noyés qui, lorsque fond la glace sur les rivières gelées, apporte sa récolte hivernale de camés, de vagabonds et de prostituées. Juillet et août approchent - les mois des couteaux. Canicule et meurtres. Blessures par balles, blessures par lames, strangulations fatales- sinistre cortège vomi par les ghettos torrides du centre de la ville. Puis viendra septembre - le début de l'automne - saison de la décrépitude, des remords, des deuils inexplicables. Petits enfants roués de coups et victimes d'hématomes sous- épidermiques et d'hémorragies sous-cutanées. Ensuite, octobre… paisible, aimable, et la fournaise des rues de la ville diminuera tandis que la mort observera une courte trêve, épuisée par tant de carnages. Pour bientôt repartir de plus belle à l'assaut tout au long de novembre et décembre. La saison des vacances. Thanksgiving et le Prince de la Paix. Alors les suicides recommencent.
Comme tant d'autres entreprises prospères, celle de Paul Konig est cyclique. Il a sa morte saison et sa saison de pointe. Sa saison fraîche et sa canicule. Ses bons moments qui, il le sait, proclament immanquablement la certitude des mauvais jours imminents. Il est, après tout, soumis aux mêmes pressions et aux mêmes aléas que tout homme d'affaires, mais son métier est unique. Il est médecin légiste ; Le chef de l'institut médico-légal de New-York.