Velibor Colic : Mother Funker Auteur d'origine bosniaque, Velibor Colic a été contraint à l'exil, après s'être échappé d'un camp durant la guerre de Bosnie. Il séjourna quelques temps en France, avant de s'installer en Hongrie. De son expérience de la guerre, il tira de fort belles chroniques de guerre, Les Bosniaques : hommes, villes, barbelés et Chronique des oubliés. Son nouveau livre, Mother Funker, n'est pas autobiographique : il s'agit d'un roman, un polar en l'occurrence. Mais on devine que c'est dans son vécu d'expatrié et de déraciné qu'il a dû puiser pour créer le personnage de son roman, Hubert Selbie, ancien détective désormais tueur à gage, dont la mission est d'assassiner des personnages au passé trouble, entre Paris et Zagreb. Le personnage de Mother Funker me fait penser au Lemmy Caution du Allemagne 90, neuf zéro de Jean-Luc Godard, personnage à la dérive, évoluant dans une Europe elle aussi à la dérive, rendue méconnaissable par les stigmates de guerres passées (froide ou aux cendres encore chaudes) et d'un "nouvel ordre mondial" qui fait disparaître tous les repères traditionnels. Hubert Selbie est un type tout aussi paumé que Lemmy Caution ; les deux hommes n'ont pas réussi à trouver leurs marques dans la nouvelle Europe. Selbie tente alors de s'y faire une place en acceptant d'assumer la mauvaise conscience collective : de criminels de guerre des Balkans en anciens nazis, Hubert Selbie a pour tâche de liquider les sales comptes du Vieux continent. Mais comment pourrait-il assumer un rôle bien trop grand pour lui ? Velibor Colic frappe juste en dressant, par sa plume assassine et nostalgique, le portrait d'un homme déchu, recherchant dans l'alcoolisme et l'onirisme ce qu'il ne parvient plus à retrouver dans la triste réalité contemporaine. |