Sigrid Undset : Vigdis la farouche Ce sont des marins venus d'Islande, ils abordent la Norvège. Or, depuis Ulysse, il est entendu que chaque terre abordée se frise d'écume et qu'au retrait de cet ourlet se rencontre Une femme. Viga Ljot arrive d'Islande, pays perdu entre froid et flamme - air connu - près du feu, il voit la fille de son hôte : Vigdis. " L'autre, une très jeune fille, se tenait assise, les mains jointes, inoccupée. " Ainsi, elle est d'abord l'autre, inévidente au premier regard. " Puisses-tu mourir de la plus cruelle des morts, puisses-tu vivre longtemps d'une vie misérable, toi et tous ceux dont la présence te réjouit le cœur. Puisses-tu voir mourir tes enfants d'une mort affreuse devant tes yeux. " À son fils : " Votre rencontre ne pourrait se terminer que d'une seule façon, il faudrait que tu viennes déposer la tête de Ljot sur mes genoux. " Pourtant Sigrid Undset sait mesurer son souffle : l'espace de la Norvège se dessine limité au parcours de Vigdis. Ainsi, après avoir tué le meurtrier de son père, elle s'enfuit à ski, avec son enfant, à travers bois. On pourrait dire que la forêt se construit autour de Vigdis plutôt qu'elle n'entre dans la forêt. Car Sigrid Undset privilégie cette première réalité, son héroïne, figure de démesure qu'elle éprouve d'événement en événement, comme en cherchant la preuve. Le lecteur échappe donc à l'air connu des fjords baignés de la lumière du petit matin. De plus, Sigrid Undset ne manque pas d'introduire une problématique discrète, mais primordiale si l'on considère l'arrière-plan historique, le moyen âge norvégien entre paganisme et christianisme. En effet, le roman fait se succéder les meurtres aux meurtres - la loi implacable de la vengeance, le talion de la tragédie antique, de l'Ancien Testament. Faisant face, peut-être l'avancée d'idées plus proches du Nouveau Testament : la rédemption et le pardon. Ainsi en serait-il de cette déclaration de Ljot à Vigdis : " Je t'en prie, ne me quitte pas ; pour tout le mal que tu me feras, je te ferai du bien. " Toutes les oeuvres de Sigrid Undset sont publiées chez Stock dans la collection Bibliothèque Cosmopolite Claire Ponceau.
EXTRAIT
En la voyant mieux éclairée, ils s'aperçurent qu'elle était fort belle, svelte et bien bâtie ; elle avait la poitrine haute, de grands yeux gris et des cheveux qui lui tombaient jusqu'aux genoux. Ces cheveux brillants et épais, mais d'un blond foncé. Des bagues ornaient de longues mains blanches. Elle était vêtue d'une robe de laine couleur rouille, richement brodée. Un ruban d'or nouait ses cheveux et elle portait plus de bijoux et d'anneaux qu'il n'est d'usage pour une femme un jour de semaine. |