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L'Oeil électrique #24 |

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4livres

Barry Gifford : Sailor et Lula
1984, Rivages/Noir
Traduit de l’américain par Richard Matas.

Sailor sort de prison après deux ans d'incarcération pour meurtre au deuxième degré. Lula l'a attendu, patiemment, parce que personne ne l'avait jamais appelée "crevette". Sailor et Lula s'aiment et décident de prendre le large à bord de leur Bonneville décapotable, loin de Marietta Pace Fortune, mère de Lula, possessive et jalouse.
Sur la route, Sailor et Lula devisent de la vie. Les banquettes de voitures, les lits d'hôtels ou les sièges de restaurants sont propices aux souvenirs d'enfance comme aux confidences : histoires de prison pour Sailor, souvenirs d'enfance pour Lula. La séparation semble avoir duré un temps indéfini : Sailor et Lula fusionnent, par le corps et par l'esprit. Cette cavalcade routière, poursuivie par Johnnie, l'homme de main de Marietta, durera jusqu'à Big Tuna Texas, bourgade à la chaleur sèche et intense, et à l'activité (très) réduite. C'est à Big Tuna, au garage local, que Bobby Perou et son Eldorado marron décapotable prennent place dans la vie de Sailor et Lula…
Contrairement à ce que peut laisser penser le film de David Lynch du même nom, Sailor et Lula n'est ni un road movie, ni un récit givré. Fuite, route et voitures ne sont que prétexte à histoires. Au cours des quarante-cinq courts chapitres de ce livre, Gifford souffle aux lèvres de ses personnages des expériences de tous les jours. Chaque ligne, chaque mot de Sailor et Lula porte la marque de vies communes, tristes ou joyeuses mais toujours teintées d'une profonde mélancolie. Les personnages de Gifford, sans argent ni projets, se raccrochent à leur passé pour tenter d'imaginer un futur. Même Johnnie, l'homme de main cynique ne trouve de réconfort que dans ses mémoires qu'il écrit sur un calepin. Sailor et Lula est un livre sombre et dépressif. Aucun moment de joie ne restera longtemps éloigné d'un nouveau coup du sort. Jusqu'à la dernière ligne.

EXTRAIT

Mes jeunes années
par Johnnie Farragut

Quand j'étais très jeune, à l'âge de trois ou quatre ans, j'imaginais que j'étais un léopard, une panthère rampant à terre et, dans cette posture avantageuse, je tentais de regarder sous les jupes des femmes. Un jour, notre bonne surprit ma manœuvre dont elle était la victime. Elle portait des bas, et je voyais en haut l'endroit où ils étaient attachés à son porte-jarretelles et une grande tâche noire entre les jambes. En riant, elle coinça ma tête entre ses genoux.
- Renifle, bébé, dit-elle. Renifle bien. T'en auras jamais assez.
J'étais paniqué, j'avais peur et j'essayais de me dégager, mais c'était impossible. Elle me tenait fermement entre ses cuisses. Le seul sens dans lequel je pouvais bouger, c'était vers le haut, je relevais donc la tête sous sa jupe jusqu'à ce que mon visage se place contre la douce et humide cotonnade de sa culotte. Elle se mit à bouger, et mon nez frotta son clitoris, mouillant davantage encore sa culotte, puis le frottement se fit plus dur sur ma bouche et mon menton. Ça me suffoquait, je pouvais à peine respirer, mais l'étreinte de fer de ses cuisses me tenait immobile. Tout ce que je voyais était noir, mon visage était collant, l'odeur était insupportable comme celle d'une étable. Au début, c'est ce que j'ai pensé, comme un tas de purin, puis j'ai compris que c'était différent, que ça ne ressemblait en rien à tout ce que j'avais pu respirer jusqu'alors. Je croyais que j'allais mourir. Je suffoquais. Puis elle se tendit légèrement sur les jambes en maintenant ma tête. Son souffle s'accéléra avec d'horribles sons tandis qu'elle se frottait davantage d'avant en arrière sur mes cheveux. Finalement, elle me relâcha. Je n'étais pas mort ; je retombai en arrière sur le sol, j'ouvris les yeux, les levai pour la regarder. Elle riait.
- Viens, bébé, dit-elle en me prenant par la main. Nous allons te laver la figure.

Marietta fut de retour et reprit place.
- Quand me laisseras-tu lire une de tes histoires, Johnnie ?
Johnnie referma son bloc-notes, le remit dans la poche de sa veste.
- Un jour. Bientôt peut-être. Quand j'aurai quelque chose qui puisse t'intéresser.
- Il y a peut-être plus de choses qui m'intéressent que tu imagines.
- Je ne t'ai jamais un tant soit peu trompée, Marietta, et tu le sais. Marietta sourit.
- Je sais, Johnnie. J'en suis tout à fait sûre.