Michel Quint : Cake-Walk
Joëlle Losfeld, 200 pages, 8,50 euros
On connaissait de Michel Quint Effroyables jardins, anecdote, petite histoire de la grande Histoire (la deuxième guerre), fulgurante, épatante de simplicité, d'efficacité, d'humanité... Cake walk n'est pas exactement une nouveauté, sa première publication datant de 1993. Mais au diable l'actualité, sa republication mérite bien quelques lignes...
Le petit Nicolas raconte, une fois devenu grand, l'histoire de sa famille : les événements qui ont précédé sa naissance (et qui l'ont en quelque sorte conditionnée), ceux qu'il a connus mais pas compris sur le coup, et enfin ceux qu'il a vécus en tant que protagoniste. Comme toutes les histoires de famille, celle-ci est compliquée, tortueuse, et remplit ses quotas de tabous. Le ton est direct, familier, l'ambiance est aux confidences sincères. Le cake-walk, c'est la "danse du gâteau" : trois petits tours devant le four avec la jolie tante Lilas, malheureuse en amour, qui apprend ses secrets de cuisine et de bal à son neveu émerveillé.
"On ne peut rien à ces vies, qu'en parler. Et ça fausse tout. Mais le moyen de faire autrement ?" Un dernier hommage, une trace contre l'oubli, on perd ce qui restait de la réalité, du flou réel, pour arriver dans le récit, mais c'est le prix à payer pour avoir une trace au moins de tous ces fantômes. Avec une tendresse sans pitié, l'auteur se penche une dernière fois sur ses personnages, pour retrouver un peu de ses traits à lui, pour voir de quoi il est fait, et garder quelque chose d'eux sans trop les tromper, en étant le plus honnête possible - même si c'est quelquefois cruel - pour leur être fidèle, pour n'en léser aucun, pour ne blesser personne. Parce qu'il les trahit forcément en les racontant, autant ne pas en rajouter en falsifiant volontairement sa dernière naissance, celle de l'écriture, qui fige en personnages et en pages les souvenirs.
Claire Aubert.
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