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L'Oeil électrique #24 |

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4livres

Henrik Tikkanen : Renault, mon amour
2002, Gaïa
Traduit du suédois par Philippe Bouquet.

"Nul ne sait quand le voyage touchera à son terme, ni la distance qui reste à parcourir. Mais, quand on peut le faire dans une voiture qu'on aime, on est heureux..." Une joie qu'Henrik Tikkanen voulait assurément partager avec le plus grand nombre, alors qu'il était atteint d'une leucémie qui l'emportera en 1984, un an après la publication de cet ouvrage.
Illustrateur, journaliste et auteur finnois d'expression suédoise, Henrik Tikkanen propose avec Renault, mon amour de le suivre dans une déambulation taquine à travers le vingtième siècle. Un récit autobiographique qui prend les traits d'un hommage. A Renault bien entendu, qui ne trouvera d'ailleurs jamais meilleur créatif ou autre pubard pour encenser sa marque - mais tout aussi sûrement à l'objet automobile auquel l'auteur voue une passion qui l'accompagnera jusqu'à la fin. Page après page, il exhibe tel un collectionneur les divers modèles possédés ou côtoyés. Renault 4 CV, Renault 4 A Turbo, R 9 mais aussi une Nash (celle de son père), une DeutcheKraftWagen (sa toute première voiture), une Isotta Frascini, une Dauphine, une Traban, une Talbot, une Horch (la Rolls Royce allemande), une petite Fiat, etc. Mais la présentation d'une telle galerie serait bien vaine si elle ne servait un dessein leitmotiv : pointer du doigt l'énormité de la stupidité humaine, à commencer par celle qui frappe ses compatriotes. Leur chauvinisme et leur nationalisme, illustrés par de menues anecdotes, restent en effet pour Henrik Tikkanen la meilleure porte ouverte aux fascismes. Un constat qu'il étendra à ses camarades étrangers dont l'ami français Maurice, peu tendre avec les Italiens. Un brin moralisatrice, son écriture, "en forme d'aphorisme" (selon le mot du traducteur) ne rate rien et certainement pas le symbole de l'atrocité qui le mina le plus : l'uniforme du soldat qu'il fut durant la seconde guerre mondiale. Une période qui oriente assurément son goût pour le genre satirique et la bouteille.
En refermant ce livre aux pages de couleur "perle sanguine", on se dit que pareil titre aurait pu être dévolu aux mémoires d'un Jacques Calvet nostalgique. Heureusement, il n'en est rien.

EXTRAIT

"Le premier voyage est et restera toujours le plus inoubliable. J'étais moi-même au volant. Ce fut comme un coït de cinq mille kilomètres avec ma voiture.
Ah, ces villes espagnoles aux noms de rêve : Séville, Cordoue, Tolède, Ségovie, Madrid, Burgos, Pampelune…
Hemingway à Pampelune.
Ces matadors glissant un ou deux mouchoirs dans leur pantalon pour que leur membre viril ait l'air plus gros. Mais celui du taureau l'était encore plus et c'est pour cela qu'il devait mourir. Hemingway nous décrit son voyage en voiture avec son ami Scott Fitzgerald comme s'il s'agissait d'un interminable cinq-à-sept. Peut-être y avait-il du vrai, après tout, dans ce qu'on a pu dire sur ses mœurs. Mais comment faire autrement, dans une Renault découverte de 40 chevaux, entre Lyon et Paris, quand, à cause de la pluie, on est forcé de chercher dix fois refuge dans une auberge au bord de la route, où on vous sert un vin délicieux ? Deux hommes dans une voiture neuve, c'est comme un couple de jeunes mariés dans un lit et si, par-dessus le marché, ils ont bu quelques bouteilles de Mâcon, il est inévitable que ce manège à trois prenne des connotations érotiques.
Telle est mon opinion, même si, à la fin du récit, Hemingway nous livre le dialogue suivant :
"J'ai appris une chose.
- Quoi ?
- Qu'il ne faut jamais entreprendre un voyage avec quelqu'un dont on n'est pas amoureux."
Je crois qu'il dit cela uniquement pour dissimuler la vérité. Pour ma part, en tout cas, j'ai été amoureux de toutes les personnes qui sont montées dans ma voiture au cours du voyage en Espagne.
A Madrid, nous primes à bord un passager à destination de Paris. C'était une compatriote, fort jolie de sa personne, qui était partie à l'aventure.
La génération de mes parents qualifiait ce genre de personne d'aventurière. Moi, je la comprenais parfaitement : ne vivais-je pas également une aventure ? Disposant d'une femme et d'une voiture, j'avais tout ce qu'il me fallait et n'avais nul besoin de piment supplémentaire. Mais du simple fait qu'elle était dans ma voiture, j'eus envie de coucher également avec elle.
Je dis cela parce que, dans ma voiture neuve, le bonheur éprouvé suscite ce genre de désirs. Dans votre première voiture bien à vous."