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L'Oeil électrique #3 |

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4livres

Vikram Seth : Un garçon convenable
0, Grasset

Cette histoire, aussi importante par sa taille que par sa signification, est un portrait détaillé et humain de l’Inde des années cinquante. C’est l’Inde d’après le départ des Anglais, l’Inde qui cherche son indépendance et sa modernité. Ce livre de 1300 pages nous entraîne dans la vie de quatre familles de hautes castes, et au coeur des fondements de la vie indienne : la religion, la famille et la politique. C’est avec le mariage que le livre commence et s’achève :
" Toi aussi tu épouseras un garçon que j’aurai choisi pour toi. "
Essentiellement un roman sur la passion (la passion amoureuse et parfois obsessionnelle, la passion du changement tout en ne changeant rien), il est difficile d’isoler une histoire sans finir par tout expliquer… ou rien. Les relations que vivent les gens sont compliquées par un système restreint du fait des castes et de la politique qu’elles impliquent. Mais l’évolution vers l’indépendance et la recherche d’une certaine modernité ne change rien à l’amour. Un livre qui traite aussi de l’obligation, qu’elle soit morale amoureuse ou familiale. Ces traditions et ces contraintes commencent par nous désorienter, mais avec chaque chapitre, comme dans un véritable voyage, on se retrouve peu à peu.
On se rend compte du travail de Vikram Seth (et de celui du traducteur) dans l’écriture d’un livre aussi imposant, quand à aucun moment on ne trouve de passage inutile ou trop long. Ceci est principalement dû à la qualité des observations psychologiques et à l’humour des dialogues. Et après s’être méfié d’un roman si long, avec un glossaire, un arbre généalogique, et une table de matières, on se trouve surpris de constater que ces choix de l’auteur ne font qu’ajouter au plaisir en approfondissant la sensation d’être là, au milieu de ces gens, au coeur de ces fêtes et de ces conversations. L’intégration du vocabulaire Hindi/Ourdou et l’utilisation du glossaire nous offrent un regard unique grâce à ces langues qui reflètent tant de réalités culturelles.
Si vous connaissez l’Inde, ce livre vous la fera revivre, en vous plongeant directement dans les bruits, les odeurs et les images. Et si vous ne connaissez pas, il vous donnera d’une part envie d’y partir immédiatement, et d’autre part l’impression d’en revenir.

EXTRAIT

" Il y avait juste assez de place pour permettre à l’attelage de se frayer un chemin au milieu des chars à boeufs, des rickshaws, des vélos et des piétons qui encombraient chaussée et trottoirs – qu’ils partageaient avec les barbiers opérant à ciel ouvert, les diseurs de bonne aventure, les échoppes à thé, les étalages de légumes, les dresseurs de singes, les nettoyeurs d’oreilles, les pickpockets, le bétail vagabond, le policier endormi dans son uniforme kaki défraîchi, des hommes trempés de sueur portant sur le dos d’impossibles charges de barres de cuivre ou d’acier, de verre ou de papiers usagés et criant " place, place ! " de leur voix qui réussissait à percer le vacarme de boutiques de dindiers et de fripiers (dont les propriétaires essayaient d’attirer le client à grands cris et gestes) à forcer la petite entrée en pierre taillée de l’École pour les Petits, laquelle donnait sur la cour de l’ancien haveli d’un aristocrate en faillite, et puis les mendiants – jeunes et vieux, agressifs ou résignés, lépreux, estropiés ou aveugles, qui, le soir venu, envahissaient Nabiganj et tentaient d’échapper aux policiers tout en assiégeant les queues devant les cinémas. Des choucas croassaient, des petits garçons de course en haillons couraient partout (l’un portant en équilibre six verres de thé sales sur un mauvais plateau d’étain), des singes jacassaient, bondissaient autour d’un grand pipal au feuillage frémissant et essayaient de détrousser les clients qui s’éloignaient, emplettes faites, des étals de fruits, des femmes musardaient en burqas (long voile porté par les femmes musulmanes) anonymes ou saris brillants, avec ou sans compagnon, quelques étudiants de l’université flànant autour d’un étal de kat s’interpellaient à grands cris, par manque d’habitude ou afin d’être entendus, des chiens galeux aboyaient, chassés à coups de pied, des chats squelettiques miaulaient, chassés à coups de pierres, et les mouches se posaient partout : sur les délicieux jalébis (beignet de farine trempé dans un sirop de sucre) qui grésillaient dans d’énormes poêles, sur le visage des femmes en sari mais pas sur celui des femmes en burqa et sur les naseaux du cheval qui secouait sa tête protégée d’oeillères tandis qu’il poursuivait son chemin vers le Barsaat Mahal. "