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L'Oeil électrique #3 |

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4livres

Salman Rushdie : Les Versets Sataniques
0, Bourgois

De quoi s’agit-il ici, exactement ?
De l’identité, un thème que Rushdie affectionne tout particulièrement (son recueil de nouvelles, Est-Ouest, paru en France l’an dernier chez Plon en témoigne encore). Une interrogation, donc, sur l’identité.
Les personnages principaux sont tiraillés entre deux pays, l’Inde et l’Angleterre ; deux cultures, l’Orient et l’Occident : l’affrontement de deux civilisations. Mais ici, rien n’est définitif, ce n’est pas l’apologie de l’un au détriment de l’autre et vice versa, d’un côté le Bien de l’autre le Mal – ici, au contraire, personne n’a raison et personne n’a tort, il n’y a pas de Vérité, mais une multitude de vérités qui s’annulent, confrontées les unes aux autres, indéfiniment. C’est toute la complexité de deux mondes (au minimum) qui s’affrontent, se révèlent l’un par l’autre, se dénigrent, se jalousent, s’influencent et se nient – et ces deux mondes sont à égalité, ni bons ni mauvais, mais bons et mauvais tout à la fois.
Salman Rushdie renoue avec la grande tradition comique du roman européen, depuis Rabelais (France, 16e siècle), Cervantès (Espagne, 17e siècle), ou Sterne (Angleterre, 18e siècle). Sa verve est au service d’une imagination débridée et lyrique ; sa langue est imagée, colorée, inventive ; il fait la grimace au sérieux, il accumule les jeux de mots, il fait le pitre. Bref, il nous enchante. Faut-il le dire tel quel, pour une fois ? Les Versets Sataniques sont un très grand roman. Il faut les lire sans préjugé, sans parti pris, et avec l’insouciance de celui pour qui le rire n’est pas un affront.
Position inacceptable ? Propos racistes ? Blasphème ? Un contresens, véritablement. Voilà un parfait exemple de réduction d’une oeuvre d’art en parti pris moral. à savoir : Salman Rushdie a-t-il le droit ou pas de blasphémer ? Or, encore une fois, Rushdie ne blasphème pas, il écrit un roman ; ce qui peut se résumer, comme ici, à une description ironique, ludique et concrète du monde moderne. À présent, nous nous devons de lui restituer la parole :

EXTRAIT

" Ce Gibreel du rêve, comme celui qui est éveillé, se tient debout tout tremblant dans le sanctuaire de l’Imam, dont les yeux sont blancs comme des nuages.
Gibreel parle d’un ton maussade, pour dissimuler sa peur.
" Pourquoi insister sur les archanges ? Ces temps-là, vous devriez le savoir, sont révolus. "
L’Imam ferme les yeux, soupire. Du tapis sortent des vrilles poilues, qui s’enroulent autour de Gibreel, et le tiennent bien serré.
" Vous n’avez pas besoin de moi, insiste Gibreel. La révélation est achevée. Laissez-moi partir. "
L’autre secoue la tête, et parle, mais ses lèvres ne bougent pas, et c’est la voix de Bilal qui résonne aux oreilles de Gibreel, bien qu’on ne puisse voir nulle part l’émetteur, c’est ce soir, dit la voix, et tu dois m’emporter à Jérusalem.
Puis l’appartement se dissout et ils se retrouvent sur le toit, à côté de la citerne d’eau, parce que quand il veut se déplacer l’Imam peut rester immobile et déplacer le monde qui l’entoure. Sa barbe vole au vent. I1 n’y en a plus pour très longtemps ; sans le vent qui l’attrape comme s’il s’agissait d’une écharpe de mousseline, ses pieds toucheraient le sol ; il a des yeux rouges, et sa voix reste suspendue autour de lui dans le ciel. Emporte-moi. Gibreel discute. On dirait que vous êtes tout à fait capable de le faire tout seul : mais l’Imam, d’un seul mouvement d’une étonnante rapidité, lance sa barbe par-dessus son épaule, retroussant sa jupe pour révéler deux jambes maigres recouvertes d’une toison de poils presque monstrueuse, et bondit très haut dans la nuit, tournoie sur lui-même, et s’installe sur les épaules de Gibreel, s’accrochant à lui avec des ongles qui ont poussé en serres longues et recourbées. Gibreel se sent monter dans le ciel, avec le vieil homme accroché à lui comme Jonas à la baleine, l’Imam dont les cheveux s’allongent à chaque minute, volant dans toutes les directions, les sourcils claquant au vent tels des oriflammes. "