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L'Oeil électrique #31 |

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4livres

Jean-Paul Sartre : Lettres au Castor et à quelques autres - Tome 1 (1926 -1939)
1983, Gallimard

Le lien intellectuel et sentimental qui a uni Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, une vie durant, a traversé tous les obstacles de la jalousie physique et scellé un engagement unique, qui plaçait leur complicité au-dessus de tout et tous. C'est en partie le mystère de cette fidélité nouvelle que l'on espère lever en lisant cette correspondance de Sartre.
Qui découvre-t-on dans ces lettres ? Le philosophe ? Assez peu, et le plus souvent par allusions à ses travaux - si l'on excepte les quelques développements dans la dernière partie de ce tome 1, au moment de la drôle de guerre, durant laquelle Sartre est mobilisé. C'est en effet pendant cette période d'attente qu'il travaille à ce qui deviendra L'Etre et le Néant. Le romancier ? Davantage, en particulier durant l'année 1939, où Sartre travaille à sa trilogie Les Chemins de la liberté. Auparavant il a longuement évoqué Mélancholia, plus connu sous son titre définitif de La Nausée.
Celui avec qui l'on chemine ici est donc un Sartre intime : passionnant quand il raconte sa découverte de Naples et nous décrit les quartiers pauvres de la ville ; assez déplaisant et peut-être misogyne, quand il raconte à sa destinataire et complice quelques moments choisis avec telle ou telle jeune personne ou qu'il narre sa relation avec Tania de façon cynique, analysant froidement leurs disputes ; drôle, quand, mobilisé, il décrit les aléas de la vie collective ou la visite médicale, ses acolytes et lui-même nus et comiques dans la salle de l'infirmerie. Touchant enfin dans son attachement à Simone de Beauvoir, son infatigable assiduité, une lettre par jour ! Ces lettres s'ouvrent et se referment sur des formules de tendresse, que l'on pourrait presque, sous cette plume acérée, trouver un peu répétitives et bêtifiantes, "mon bon petit", "mon cher petit Castor", etc. Mais elles disent aussi, ces pages, l'être nécessaire qu'ils sont l'un pour l'autre, quand il écrit : "Il faut que vous sachiez que je suis formidablement content que vous existiez. Vous êtes pour moi plus solide que Paris qui peut être détruit, plus solide que toute chose : vous êtes toute ma vie que je retrouverai à mon retour."
Simone de Beauvoir a réalisé cette édition trois ans après la mort du philosophe : façon d'honorer la mémoire de Sartre qui concevait cette correspondance comme, il le lui a dit explicitement, "la transcription de la vie immédiate" et "un témoignage sur (s)a vie". Désir aussi, probablement, de maîtriser la postérité sartrienne et souci de participer à la construction de cette existence posthume.
Lire cette correspondance donne envie de relire le Sartre des Mots, étincelante autobiographie, où l'ironie accompagne toujours l'autoportrait. On mesure alors ce qui sépare un auteur lorsqu'il écrit sur lui dans le privé - même si Sartre avait dans l'idée que cette correspondance serait un jour publiée - et dans cet exercice de reconstruction de soi qu'est l'autobiographie. Vous aurez plaisir aussi à comparer ces lettres avec ce que dit de cette relation Beauvoir dans La Force de l'Age (cf. OE #29) : la même tendresse attentive et la même curiosité à vivre parcourent ces deux proses.