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L'Oeil électrique #4 |

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Dostoïevski : L’éternel mari
0,

Il y a neuf ans, Veltchaninov était l'amant de Natalia, mariée à Pavel Pavlovitch, l'éternel mari. À présent, celui-ci vient voir Veltchaninov " en ami ", et lui annonce la mort de Natalia. Veltchaninov, qui avait oublié jusqu'à l'existence de toute cette partie de sa vie, se demande quel est le but réel de cette surprenante visite. Le mari est-il là pour retrouver un ami depuis trop longtemps perdu de vue, comme il l'affirme ? Ou bien, pas dupe du tout vient-il pour se venger ? Ou alors, tout à fait naïf, veut-il seulement partager son chagrin ? Enfin pourquoi est-il ici, quelle idée a-t-il derrière la tête ? Que croire ? Rien n'est fixé, tout peut basculer, à tout moment ; il n'y a aucune certitude.
Pourquoi " éternel mari " ? Parce que Pavel Pavlovitch, débauché depuis la mort de sa femme, ne peut vivre décemment qu'en étant marié.
Veltanovitch, hypocondriaque, solitaire et amer, juge sévèrement son passé. Pourtant, à la fin du roman, guéri, il reprendra nonchalamment la même vie qu'on croyait révolue, une vie oisive et mondaine. Du vaudeville - le mari, la femme l'amant - on retourne au vaudeville. Et c'est là que réside le grand intérêt de ce roman : il s'agit d'un vaudeville décalé, un vaudeville après le mot " fin ", quand l'idylle tourne au cauchemar ; les bouleversements tragi-comiques d'après le vaudeville. Mais il s'agit d'une parenthèse, d'un intermède. À la fin, le vaudeville a repris : " Tout est en ordre ", comme dit Veltchaninov.
D'où vient que ce roman génial soit méconnu ? C'est que, vraisemblablement, d'autres chefs d'œuvres lui ont fait de l'ombre, que ce soit Crime et Châtiment, L'Idiot, Les Démons, ou les Frères Karamazov. Mais si vous ne savez pas comment aborder l'œuvre immense d'un des premiers écrivains russes, commencez donc par L'éternel mari , qui mérite bien tout l'intérêt qu'on porte aux autres, et qui est bien plus accessible. C'est un roman d'une construction si rigoureuse que les enchaînements des situations les plus folles paraissent aller de soi. Les personnages, les scènes, les dialogues sont si énigmatiques, si ambigus, que la lecture ne traîne pas ; à chaque paragraphe, à chaque phrase, l'attention est soutenue. On veut suivre coûte que coûte le rythme que nous impose Dostoïevski. Bref, on est tenu de la première à la dernière ligne, et on se surprend, à la fin, à vouloir tout reprendre depuis le début. Car, même si tous les mystères sont élucidés, on pense que peut-être, quelque part, quelque chose nous a échappé - mais quoi ?

EXTRAIT

" Pavel Pavlovitch se déshabilla et se coucha. Un quart d'heure après, Veltchaninov se coucha à son tour et éteignit la bougie.
Il eut de la difficulté à s'endormir. Quelque chose de nouveau avait surgi, qui embrouillait encore plus son affaire ; il était inquiet et en avait honte. Il commençait déjà à perdre la notion des choses, lorsqu'un bruit léger le réveilla soudain. Il jeta immédiatement un regard vers le lit de Pavel Pavlovitch ; il faisait sombre (les rideaux étaient complètement baissés), mais il lui sembla que Pavel Pavlovitch n'était plus couché, et se tenait assis sur son lit.
- Qu'avez-vous ? Demanda Veltchaninov.
- Une ombre, répondit après un moment d'attente Pavel Pavlovitch, d'une voix à peine perceptible.
- Qu'est-ce que c'est ? Quelle ombre ?
- Là-bas, dans cette chambre. J'ai vu comme une ombre passer devant la porte.
- L'ombre de qui ? Demanda Velchaninov au bout de quelques instants.
- L'ombre de Natalia Vassilievna.
Veltchaninov posa les pieds sur le tapis et jeta un regard vers la chambre voisine, dont la porte restait toujours ouverte. Cette chambre n'avait pas de rideaux, mais uniquement des stores blancs ; il y faisait donc beaucoup plus clair.
- Il n'y a rien là-bas, et vous êtes ivre. Couchez-vous ! dit Veltchaninov
Il se recoucha en s'enveloppant dans sa couverture. Pavel Pavlovitch ne dit plus rien, et s'allongea également.
(...) Veltchaninov n'aurait pu dire avec certitude s'il avait ou non dormi ; mais une heure s'était écoulée lorsqu'il se retourna de nouveau brusquement. (...)
- C'est vous Pavel Pavlovitch ? Demanda-t-il au bout d'une minute, d'une voix faible ; et cette voix résonnant au milieu du silence et de l'obscurité lui parut à lui-même bien étrange.
Nulle réponse ne vint, mais il ne pouvait plus y avoir de doute : quelqu'un se tenait au milieu de la chambre. "