Grégoire Philonenko et Véronique Guienne : Au carrefour de l’exploitation Il convient certes de se méfier des " témoignages ", où l'expérience d'un individu est utilisée pour établir des généralités. Cependant, l'histoire de Philonenko est une illustration très pertinente d'une forme d'exploitation moderne dans le travail... où l'exploité est un promoteur actif de sa propre exploitation. Avec l'exemple de sa propre (et brève) carrière dans un des groupes de la grande distribution en France (Carrefour en l'occurrence), Philonenko démonte avec efficacité un certain nombre de rouages de l'exploitation des temps modernes, de loin mieux orchestrée que celle, plus classique, de l'époque industrielle : pression liée à la peur du chômage, climat de concurrence et de surveillance mutuelle instauré entre les employés, neutralisation des syndicats, Big Brotherisme, et promotions à double tranchant (un peu plus de sous, beaucoup plus de boulot, beaucoup plus de pression, beaucoup plus d'heures travaillées et impayées). L'intérêt majeur est toutefois ailleurs : on a parfois l'impression de se retrouver dans un fonctionnement qui peut rappeler celui d'une secte, avec les techniques habituelles (lavage de cerveau par la répétition ad libitum de la phrase magique - " je positive ", désorientation par la privation d'heures de sommeil, création d'un sentiment d'appartenance à une " famille "). Plutôt une illustration qu'un élément d'analyse générale donc, mais un petit voyage fascinant dans un grand groupe moderne, où du " ils " qualifiant " les patrons ", le lexique est passé au " nous " de l'entreprise. Ainsi est assurée la participation active de l'employé à son exploitation. |