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L'Oeil électrique #5 |

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4livres

Josette Alia : Quand le soleil était chaud
0, Grasset

Début des années 50, au Caire. Lola, l’héroïne, coule une jeunesse frivole, insouciante, car elle appartient à la bonne société égyptienne, riche et creuse. Le roi Farouk vit les dernières heures corrompues de son règne. L’Égypte, sous l’impulsion de Nasser, s’apprête à entrer dans une ère plus moderne, mais cela, seule une poignée d’hommes lucides au sein de cette classe ultra-priviligiée, semble l’avoir compris.
Cette agonie d’un certain Orient, frappé de désuétude, va s’illustrer plus brutalement encore quelques années plus tard. En effet, victime de chagrin d’amour adolescent, Lola a épousé un ami fidèle, qu’elle suit au Liban. Quelques "années dorées" passent doucement, puis vient la guerre. L’incrédulité persiste. Comment dans cette "Suisse du Moyen-Orient", au cœur de cette vie facile et nonchalante, sous ce ciel pur, le malheur peut il se développer, et durer ? Progressivement, au fil des mois de guerre, la lucidité s’impose et avec elle, l’amertume.
L’intérêt du roman de Josette Alia n’est pas tant littéraire que documentaire. Le lecteur suit les méandres et les déchirements de 15 ans de guerre civile, à travers l’expérience d’un individu de chair et d’os.
Narration, et journal intime de Lola alternent, donnant véritablement un corps et une âme à ce conflit si complexe. Le roman révèle aussi les ambiguïtés inhérentes à toute guerre civile. On suit par exemple avec curiosité le parcours de Nicolas, fils de Lola. D’abord pro-palestinien, proche des intellectuels de gauche, il se bat ensuite aux côtés des phalangistes chrétiens, conservateurs et réputés pour leurs violences à l’égard des Palestiniens.
L’Histoire entre dans l’histoire de chacun, de manière désordonnée, chaotique. Les êtres subissent une série de drames, sans parvenir à en dégager le sens.
Josette Alia est écrivain mais elle est avant tout journaliste, ce qui fait de son roman un précieux document sur le conflit libanais. À l’inverse, la trame romanesque sert l’aspect "chronique de guerre" et en évacue la possible pesanteur. On comprend cette période, tout simplement parce qu’on a l’impression de l’avoir vécue de l’intérieur.

EXTRAIT

"Un choc la réveille. Au dehors, des cris. La portière s’ouvre à toute volée. Un jeune homme hirsute, en tee-shirt kaki vaguement bariolé, se penche et la tire par le pied : "Carte d’identité ?" Ahurie, elle se relève, passe la main sur ses yeux. Tanos et Antoine sont debout, de chaque côté de la voiture, les mains en l’air, face à trois miliciens qui pointent sur eux leurs mitrailleuses. "Sors, Lola, ce n’est qu’un barrage, n’aie pas peur", crie Antoine. Un garçon de quinze ans à peine fouille Tanos, sort ses papiers. "Prends ma carte d’identité dans ma veste", demande Antoine. Lola ouvre son sac, en sort ses papiers, les tend au milicien, puis elle plonge dans la poche de sa veste, sous sa tête, cherche le portefeuille d’Antoine, ne le trouve pas, s’énerve ; ses mains tremblent, non il faut qu’elle se calme, voyons, ne pas perdre de temps, c’est qu’ils ont la détente facile. Voilà, elle tend la carte d’Antoine au milicien, debout devant la portière. Celui-ci feuillette longuement, se tourne vers son compagnon. "Ils sont chrétiens, grecs-catholiques. Et le tien ? Arménien. – Bon, passez, mais attention, ne prenez pas à gauche, il y a un barrage au bout de la rue. Où allez-vous ? Sanayeh ? Alors passez par le sud, évitez le centre ville, c’est le bordel là-bas."
Antoine et Tanos remontent en voiture, le milicien leur montre la direction dans un grand geste d’agent de la circulation. Lola murmure : "Mais ils sont fous. Qui sont ces types ? – Des kataeb, madame, répond Tanos, et nous avons eu de la chance. La ville est pleine de bandes armées qui tuent pour rançonner. Nous autres, Arméniens, commençons à nous organiser dans nos quartiers. Mais je pense que vous ne devriez pas rester chez Mme Charlotte, c’est un endroit trop central, dangereux. Si je peux me permettre, vous seriez mieux à Achrafieh..."
Brusquement, il accélère, donne un coup de volant à gauche. Une roquette tombe tout près, sur la droite, au milieu d’un jardin, et explose en une gerbe de terre, de feuillages et de branches brisées. Lola se surprend à prier.
Derrière le square Sanayeh, à l’ambassade du Liberia, un pan de mur s’est écroulé sur deux étages, et un salon s’ouvre sur le vide, ses fauteuils dorés renversés. Un grand tapis persan retombe sur la façade
."