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L'Oeil électrique #9 |

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4livres

Antonin Artaud : Lettres au docteur Ferdière
1943, L’imaginaire (Gallimard)

Y a-t-il un "cas" Artaud ? Un mythe, sûrement, allant de la figure du martyr à celle du mystificateur. Artaud a été l'un et l'autre. Ecrivain, metteur en scène, comédien et dessinateur, son œuvre multiple est marquée par le culte de l'outrance : sa diction incantatoire, ses éclats publics, son goût de la transe en ont fait un personnage redouté et rejeté de la société. Le délire verbal est-il folie ? L'exaltation est-elle folie ? Il fut déclaré fou pourtant, et interné pendant 9 ans. Camisole, électrochocs à répétition, sous-alimentation et surtout solitude : 9 années d'avilissement, de dégradation physique et mentale, passées en uniforme d'interné. A cet égard, les Nouveaux Ecrits de Rodez (correspondance entre Artaud et son médecin, écrite durant les dernières années de son enfermement) éclairent bien les ambiguïtés d'un être victime de la société mais aussi de son propre personnage. A certains moments, l'écriture erre aux marges d'un mysticisme illuminé et confus, alors que d'autres lettres montrent une parfaite lucidité, une habileté et une volonté de convaincre sur sa capacité à vivre parmi les hommes.
Aujourd'hui, Artaud semble surtout avoir été avide de reculer les limites du permis, du licite, et désireux de subvertir un ordre social trop médiocre à son goût. Esprit en perpétuelle recherche, en perpétuelle souffrance, il fut néanmoins (avec une certaine duplicité) artisan et ordonnateur de son propre délire, non dénué de cabotinage (dans les années 20, il était proche des surréalistes, autres provocateurs…) Le destin pathétique d'Antonin Artaud est exemplaire en ce qu'il met à jour le système défensif d'une société : est considéré comme fou celui dont les comportements ne sont pas conformes aux normes sociales. En tant que tel, il doit être retranché de la communauté des hommes. Cette "déraison", Artaud l'a voulue : "Et qu'est-ce qu'un aliéné authentique ? C'est un homme qui a préféré devenir fou, dans le sens où socialement on l'entend, que de forfaire à une certaine idée supérieure de l'honneur humain." (Van Gogh ou le suicidé de la société).

EXTRAIT

J'ai toujours voulu vous entraîner dans ma sphère poétique propre mais j'ai vu que vous ne vouliez pas y croire et c'est ce qui m'a fermé le cœur. Les états mystiques du poète ne sont pas du délire Docteur Ferdière. Ils sont la base de sa poésie.
Me traiter en délirant, c'est nier la valeur poétique de la souffrance qui depuis l'âge de quinze ans bout en moi devant les merveilles du monde de l'esprit que l'être de la vie réelle ne peut jamais réaliser ; et c'est de cette souffrance admirable de l'être que j'ai tiré mes poèmes et mes chants. Comment ce que vous aimez dans mon œuvre ne parvenez-vous à l'aimer dans le personnage que je suis. C'est de mon moi profond que je tire mes poèmes et mes écrits et vous les aimez. Tout poète est un Voyant. […] Je crois au ciel Docteur Fredière si je ne crois pas à l'enfer et je considère comme une révoltante impiété de traiter de délire les images que je me forge du ciel.