Dorothy Allison : L’histoire de Bone
10/18, 415 pages, 65 francs
Ruth Anne Boatwright, dite "Bone", raconte : une enfance blanche et pauvre passée dans le Sud américain, entre sa mère, ses oncles et ses tantes, tous prématurément usés par la vie. Cette famille-là, chaleureuse et unie, chaotique et gueularde, est l'unique refuge pour oublier le monde hostile, l'absence d'argent, le regard méprisant des autres dans la cour d'école. Et puis, il y a "papa Earl", le beau-père. Il est la part maudite de la vie de Bone, celui qui va la précipiter brutalement, définitivement, hors de l'enfance. Mais il est aussi l'homme dont sa mère a besoin, et c'est Bone qu'on sacrifie…
Ce premier roman, à l'écriture empreinte d'une violence contenue, est paraît-il autobiographique (Dorothy Allison y aurait exorcisé beaucoup de son propre passé). Cette "clé" de lecture est cependant accessoire, tant L'histoire de Bone dépasse le simple témoignage, ou le seul roman social. Bien sûr les conditions économiques et familiales pèsent d'un poids terrible sur ce texte, qui dessine ainsi une certaine misère sociale. Mais L'histoire de Bone est d'abord un de ces récits de jeunesse dans lequel chacun de nous peut retrouver l'intransigeance et le silence qu'on porte en soi, enfant. Il n'y a pas de lyrisme dans le désespoir de Bone ; seulement la lucidité dans l'évocation sans fioriture d'un gâchis ordinaire, dont le lecteur devient le confident accablé.
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